Entrelacs.
Épilogue.
Le Teufel remonta
lentement la rue noire. Les pas claquaient sur les pavées de marbre
roses, salis par le temps. Autour de lui, le silence. Rien en cette
ville ne bougeait. Le Teufel jeta un regard de dégoût vers un mur
ou pendaient des lambeaux moisis de lichen. La végétation avait
presque envahi toute la ville, en fait. Le Teufel regarda autour de
lui, contemplant l'effroyable verdure luxuriante qui s'étendait par
endroit dans la ville. Des ruines, autrefois immenses battisses,
signe de gloire des hommes dans un passé lointain, s'écroulaient,
miteuses, telle un château de carte.
Le Teufel pressa le pas,
et se mit en route vers une colline … qui était autrefois un
étrange bâtiment orné de croix rouges. Des arbres desséchés,
mais d'une jolie forme noueuse, se dressaient près d'un ruisseau.
Celui-ci, limpide,
coulait lentement jusqu'au bas de la ville. Le Teufel s'agenouilla
devant le petit lit du ruisseau et se penchant observa son reflet
déformé. Il n'aperçut qu'un fin visage argenté.
Et des yeux noirs...
entourés d'un fin ovale blanc autour des globes oculaires,
entièrement noirs... Et un crane chauve, orné d'un étrange
tatouage gris foncé, de forme circulaire. Une chevelure argentée
lui naissait au dessus de la nuque, retombant à ses reins. Sa lèvre
inférieure, plus coloré que le reste, était verte. Le Teufel se
releva, il aimait venir en cet endroit. Le calme, la sérénité du
lieu l'apaisait. …
Mais il devait partir. Et
retrouver le Veilleur.
Le Destin était en
marche.
~
L'homme observait depuis
quelques instants un nom, tapé à l'encre, inscrit dans un
formulaire presque vierge. Un nom qui lui paraissait familier, mais
si loin, oublié, presque disparu. Un nom unique, chargé de cette
puissance; cette puissance qu'ont les noms connus, ou célèbres.
Lui; il le connaissait depuis tellement longtemps, que le prénom
avait été inscrit dans son esprit avec force.
Elyo Spirtyan... Un de
ces garçons dont il avait modifié le patrimoine génétique. Il se
demanda une seconde si ce garçon était vivant. Ce qu'il était. Ce
qu'il allait devenir.
~
1.
La femme ferma les yeux,
cédant enfin. Elle avait combattu longuement, contre la souffrance,
mais cette dernière avait eut raison d'elle, et s'échappa doucement
de ses lèvres le dernier souffle de vie. Quatre minuscules mains la
réclamèrent, mais deux bras puissant les ôtèrent de son étreinte
déjà inanimée. . Une voix siffla, brisée par l'émotion, vaincue
par sa propre impuissance:
- C'est terminé.
2.
Pour de nombreuses
personnes, si Elyo et Willan ne pleuraient jamais, c'était parce
qu'ils avaient gardés en eux le traumatisme de la mort de leur mère,
dès la naissance. Cette rumeur se colportait dans toute la ville, et
elle s'était ancrée dans les esprits comme quelque chose de logique
qu'on ne pouvait renier.
Elyo était né avec une
dizaine de minutes d'avance sur son frère. Il était le plus agité
des deux, plus farouche, certainement plus sauvage que son jeune
frère, Willan, envers lequel il se montrait particulièrement
protecteur. Tous deux âgés de quatre et demi, ils souffraient d'une
étrange pathologie, aux ressemblances troublantes à une
malédiction; tous les samedis, les garçons se laissaient aller à
des convulsions de douleur qui pouvaient durer toute la journée.
Tous les médecins et scientifiques du pays étaient passés devant
ce cas étrange, et même leur père, Karly Spirtyan, lui même
scientifique, n'avait jamais réussi à percer le mystère de ces
crises de douleur qui terrassaient chaque samedi les jumeaux.
3.
Le lieu de naissance des
deux enfants Spirtyan était une petite ville, au bord de la mer,
cachée par de jeunes montagnes. La majorité des constructions
étaient en pierre blanche. Des tours de forme rectangulaire, la plus
haute étant le clocher d'un vieux temple, plongeait de temps à
autre certaines zones de la ville dans une obscure clarté, provoqué
par l'ombre de ces tours. Les hautes maisons de pierre, possédant
souvent deux ou trois étages, étaient pourvues de toits plats,
servant de terrasse, et, en temps de guerre, de plate forme de tir.
Le plus impressionnant dans cette ville, c'était toutefois le nombre
d'escalier. Ou se posait le regard; rencontrait forcement un escalier
de bois ou de pierre. Ils couraient, tournoyant, jusqu'en haut d'une
tour, ou bien, raide, grimpait jusqu'à un toit de maison. Des
marches permettaient de monter sur les trottoirs, ou bien d'y
descendre...
Autre les escaliers, ils
y avaient aussi des ponts de pierres qui reliaient des maisons entre
elles. La passerelle la plus connues, étaient celle qui coupait la
ville en deux, permettant de rejoindre le coté sud du coté ouest,
sans rejoindre le sol. Celle-ci naissait d'une montagne, à l'ouest,
pour se terminer à l'est, du coté du port. Cette passerelle n'était
pas parfaitement droite, elle ondulait, tournoyant entre les tours,
se divisant a un endroit pour se fusionner a un autre. Et évidemment,
des escaliers de toutes formes permettaient d'accéder à cette
passerelle qui, quand on levait la tête vers elle, ressemblait à un
serpent dans le ciel. En effet, les milliers de pierres qui la
composait, ressemblaient a des écailles de reptiles, possédants
chacune une nuance différente de minéral. Elle se nommait Ofyr-Lan.
A certain endroits, des
morceaux de cette passerelle s'étaient écroulés, et il fallait
souvent revenir sur ses pas, prendre un escalier, et remonter plus
loin pour poursuivre sa route.
Cette ville, à
l'ambiance pacifique, maritime et havre de paix avait pour nom
Faier-Hayrdhann, la ville aux escaliers.
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