vendredi 8 février 2013

24. Feu de bois, inondation de forêt.



Willan courait. Il ne regardait pas autour de lui. Les autres avaient dus s'enfuir. Willan dérapa sur le sol mousseux, et d'une main, attrapa une branche basse. Il ne le trouverait pas, car Willan vendrait chèrement sa peau.
A califourchon sur sa branche, Willan haletait. Silencieux, il scruta les contours sombres des arbres. L'avait-il semé? Willan se permit un éclat de rire discret. Erreur fatale. Une masse supersonique blanche vrilla sur lui, et le percuta de toute sa puissance dans les abdos. Willan n'eut pas le temps d'esquisser le moindre geste de fuite ; battant des bras, son corps s'envola et gracieusement, s'étala de tout son long dans la poussière, avec un énorme bruit sourd. Willan hurla.
Elyo aussi, mais de rire.
Jurant, Willan se releva, des larmes de douleurs aux yeux. Bleue sortait elle aussi des fourrées, précédant Elyo. Fline, sous sa forme d'Aquila, semblait mourir de rire.
  • Fline... je vais te tuer...
L'Aquila battit des ailes, le regard pétillant. Elyo, un sourire discret aux lèvres, s'approcha de son frère pour vérifier que tout allait bien.
  • Ça va, le repoussa Willan, Fline, comment tu m’as trouvé, tu trichais, n'est ce pas ?
Bleue sourit.
  • Tes traces de pas et tes bruits, même le dernier des traqueurs t’aurait facilement trouvé.
  • Évidemment...
Elyo posa un regard tendre sur Willan, qui bougonnait. Comme ils se ressemblaient, tous les deux !
Cela faisait trois mois qu'ils avaient quittés Faier-Hayrdhann, et leur voyage ne touchait pas à sa fin. Par douze fois, les cris de douleurs avaient raisonnés dans la forêt. Elyo refusait toutefois d'expliquer ce pourquoi a Bleue et à Fline. Chaque samedi, la douleur était lancinante. Et à chaque fois, elle irradiait encore plus que la dernière semaine.
Elyo se leva.
  • Je vais pêcher pour le repas de ce midi, et vu qu'on a pris du retard sur les provisions, il va falloir recharger tout cela.
Fline leva des yeux diamants pleins d'espoir vers lui. Elyo soupira pour la forme, mais il était évidement d'accord pour le garçonnet l'accompagne.
En trois semaines, ils avaient tous appris à se connaître : Fline adorait Elyo, Elyo s'amusait de la compagnie de Fline, Bleue appréciait Elyo mais semblait ignorer Willan, Willan, lui était littéralement fou de sa princesse glacée. Et Solémio, allant sur ses trois semaines, ronronnait toujours de plaisir quand un Fline inconscient et transformé en moineau se posait près du bébé fauve.
Du bébé fauve. Du gros chat se léchant les babines.

(…)

Quand les poissons furent cuits, Elyo qui savourait son mets, décida de replonger dans le livre qu'il traînait avec lui depuis qu'il avait quitté Faier-Hayrdhann.
Ce livre, il l'avait pris dans le bureau de Karly.
Une épaisse reliure sombre, des pages parcheminées et lourdes, une écriture acérée, qui courait aux fils des pages, effrénée, dans une quête oppressante. Des éclaboussures d'encre noire qui faisait ressembler chaque page du livre à un combat terrible, et ce dans un ensemble des déchirures, des coupures et de la poussière.
Elyo reposa le livre. Comme d'habitude. Il ne parvenait pas à déchiffrer les mots inscrits sur le papier épais. Les mots, gravés dans le livre, n'appartenaient pas à ce monde.
«  Ce n'était pas de l'allemand, ni de l'Artymisio, ni aucune autre langue que je connais, ce sont des courbes, des traits, et des points. Des entrelacements de signes formant un langage que je ne comprends pas,  » répéta t-il pour la énième fois Elyo.
Il soupira. Seule une phrase lui était compréhensible puisqu'écrite dans l'Artymisio, la toute première, en fin de la première page : « L' Heimer ne concerne, et ne concernera, à jamais, que ceux dont les fruits de leurs recherches ont donné résultat. La lignée Heimerienne doit en tout cas, en toute situation, rester secrète, et inconnue aux yeux du monde, moderne ou parallèle. »
Monde moderne ou parallèle? Elyo en avait conclu qu'il avait eu raison de penser qu'un monde différent existait quelque part, et que peut-être, Iudhaël les y attendait.
En parlant de Iudhaël, cela faisait deux nuits qu'Elyo ne rêvait plus de lui, et cela l'inquiétait.
  • Qui es-tu, Iudhaël, murmura doucement Elyo.
Une brise légère vint caresser son visage. Il leva la tête; les autres mangeaient encore. Seul Fline tourna son regard vers lui et comprit.
« Quoi, un problème? »
  • Je crois.
Il avait prononcé ses mots à voix haute. Le silence s'installa dans le camp. Willan cessa de respirer, Solémio feula doucement puis se tut. Bleue se leva lentement, le regard porté vers les arbres sombres.
  • Quoi ?
Elyo n'eut pas le temps de répondre. Les flammes embrasèrent l'espace. Bleue hurla et Solémio rugit de peur. Fline se précipita contre Elyo, qui paralysé, fixait les flammes ardentes qui brûlaient la forêt. Willan réfléchît plus vite que tout les autres. D'une main, il attrapa des couvertures et un sac de provisions et cria:
  • Dépêchez vous! Il faut courir !
Fline, terrifié, bondît en l'air et aussitôt, ses serres d'Aquila happèrent les sacs et le jeune Kalionss qui miaulait de protestation. Elyo attrapa la main de Bleue et s'élança à travers la jungle des arbres, tandis que le bûcher ardent gagnait du terrain. Fline s'envola vers le ciel sombre de la nuit, traversant la barrière enflammée des feuillages.
Elyo courait, Bleue et Willan sprintaient aussi derrière.
  • Ce n'est pas un incendie ! Hurla Bleue.
  • Bien sur que si ! Je t'assure que ce n'est pas une inondation! Répondit Willan, aux talons d'Elyo.
  • Tu connais des incendies qui démarrent à cette vitesse, et sans odeur!
Elyo n'eut pas le temps d'y réfléchir ; le feu était à moins d'un mètre derrière eux. La chaleur brûla les narines d'Elyo. L'éclair de souvenir qui traversa son esprit le figea. La Zyphanelle, les flammes, les cendres, ses cris.
  • Elyo!
Le cri de Willan le ramena à la réalité. Trop tard.
Les ténèbres enflammées plongèrent sur lui sans qu'il ne s'en rende compte.

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