vendredi 8 février 2013

18. Naissance de Solémio, et récit de Bleue (1)



Quand ils pénétrèrent dans l'ombre des arbres de la forêt, Bleue prit de l'avance, reconnaissant le chemin. Elle courut, bondissant par dessus les bosquets, les troncs, les fougères, et autres végétaux. Au bout de dix minutes de course folle a travers la végétation luxuriante de la forêt, Elyo hors d'haleine, suivit de très près par Bleue, découvrirent un Willan silencieux, heureux, et paternel. Dans ses bras, ronronnant, un bébé Kalionss, un peu différent de sa sortie de l'œuf, les yeux fermés, buvait goulûment le lait qui coulait lentement dans sa gueule minuscule, mais redoutable. A ses coté, Fline, petit garçon attendri, caressait tendrement la tête doré. Willan leva les yeux vers eux et aussitôt le bébé se mit à miauler de protestation.
  • Ah, vous êtes là ! Regardez moi ce petit morfale ! Il est adorable.
Elyo s'approcha de lui et regarda le bébé. Willan le tenait sur le dos, dans ses bras, et les petites pattes tenaient délicatement le goulot de la bouteille, les griffes minuscules à peine sorties, que Willan vidait lentement dans sa gorge. Puis le bébé ouvrit ses yeux, et Elyo fut sidéré de voir la vitesse a laquelle les pupilles de feu se tournèrent vers Willan. Le Kalionss n'accordait aucune attention aux autres individus, seule la présence rassurante de celui qui le tenait lui suffisait. Il ronronna.
  • Tu vas lui donner un nom? Demanda Elyo.
Willan réfléchit.
  • Je sais... il regarda le bébé qui fixa de nouveau ses yeux doré dans les siens. Solémio, ça te va ? C’est le nom d'une fleur qui me fait penser à tes yeux. Jaune, puis or, puis orange, puis feu. Une fleur complexe, mais magnifique. Comme toi.
Le bébé eut une espèce de sourire, puis ronronna de nouveau. Fline applaudit, et Bleue rit. Elyo se pencha et murmura à l'oreille de Willan.
  • Fline, le cousin, moi le tonton, toi le papa et Bleue la maman ?
Willan vira au rouge foncé.
  • Tu ferais une très jolie fleur, tu savais?
Elyo couru très vite pour éviter la bouteille de verre qui explosa sur un arbre a coté de lui.


Après cet affectueux baptême, tandis que le soleil de midi illuminait le monde, et que les quatre adolescents se réunissaient autour d'un repas commun, Elyo demanda.
  • Bleue, raconte-nous ton histoire.
Elle regarda Elyo, puis Willan, et termina sa bouchée de pain.
  • Je suis née il y a treize ans, dans une ville nommée Klyr-Ymmans, située en Straelitzie, au pays de Candice. J’appartenais à un orphelinat, ou je ne connaissais ni mes parents, ni mes origines. Apparemment, on m'avait abandonné à la naissance à la porte de cet orphelinat, mon nom écrit sur une lettre, sous mes couvertures. J'ai passé dix ans là bas, et puis un jour, Fline est arrivé lui aussi a cet orphelinat. Il n'avait pas été abandonné. Il semblait s'être enfui. C'est moi qui l'ai vue la première :

Bleue avait dix ans. C'était une petite fille très tranquille. Elle était charmante, douce, mais réservée. En effet, elle était la risée de nombreuses personnes car elle était doté d'une chevelure incroyable : de longs cheveux bleus lui tombaient gracieusement sous les omoplates. Malgré son charme et tout ses effort, ses cheveux handicapaient beaucoup Bleue. Les petites de son âges se moquaient d'elle, les adultes la dévisageait avec une insistance qui la mettait mal à l'aise, les garçons lui tiraient les nattes. De ce fait, Bleue souffrait.
(...)
Ce jour là, la jeune Miligent Dallys, âgée de douze ans, lui avait mis une énorme gifle parce qu'elle avait eu le culot d'utiliser sa brosse à cheveux. Miligent avait hurlé:
« Sale horreur, tu veux me contaminer ? »
Bleue s'était enfuie en pleurant, et s'était réfugié dans le grenier de l'orphelinat, dont l'accès était normalement interdit aux enfants. Elle pleurait tout son soûl, et en venait à penser qu'elle se raserait les cheveux, quand un oiseau la tira de ses pensées. Elle leva la tête et observa le rossignol, qui malgré la neige et l'hiver rude, chantait à plein cœur. Elle se leva, prit un escabeau, et s'assit sur la lucarne, sur le toit de l'orphelinat. Ses beaux yeux bleus balayèrent la cour vide et elle se mit à espérer qu'un jour, elle couperait les cheveux de Miligent. Elle rêvait ainsi depuis quelques minutes, quand soudain elle entendit la grille d'entrée couiner sur ses gonds. Bleue se baissa de peur d'être vue et tenta de voir qui venait vers l’orphelinat. Mme Mirtis, peut être ? Non, ce n'était pas la vielle femme sèche. C'était une petite silhouette enfantine.
- Qu'est ce qu'il faisait hors de l'orphelinat, celui-là ?
Elle tenta de reconnaître le pensionnaire, mais elle était trop loin. Soudain, elle vit quelque chose qui lui brûla le ventre et lui bloqua la tête. Du sang. La silhouette semblait boiter, et avait du mal à avancer droit. Et dans ses empreintes désordonnées, des fleurs écarlates s'étalaient dans la neige.
Bleue sauta dans le grenier, elle courut, ouvrit la porte et se retrouva face a Mlle Rosa, la gouvernante.
  • Bleue! Que fiche tu ici! Je te cherche depuis une he... pourquoi pleures-tu ?
  • Mlle! Mlle!
  • Qu'y a t-il ma chérie ?
  • Il y a un enfant qui saigne dans la cour ! Je l'ai vu de là haut !
Mlle Rosa prit la main de l'enfant et courut avec elle vers le hall, puis elles passèrent par la porte, et se retrouvèrent dehors. Devant eux, à vingt mètres de la porte, la petite silhouette s'effondra dans la neige, face contre terre. Rosa courut en avant, suivit de Bleue qui pleurait toujours.
  • Oh mon Dieu, oh mon Dieu... marmonna Rosa, la main sur la bouche, horrifiée par ce qu'elle vit.
Bleue vit que la demoiselle avait retourné le petit corps, et ce qu'elle vit la choqua tellement qu'elle cessa de pleurer.
C'était un petit garçon. Il devait être plus jeune qu'elle. Il s'était évanoui. Et pour cause : de sa bouche entrouverte, le sang coulait à flot. Mlle Rosa se releva à toute vitesse.
  • Mets le sur le coté pour éviter qu'il ne s’étouffe! Dépêche-toi, je vais chercher l'infirmière!
Elle était partie en courant. Bleue prit son courage à deux mains et mit le petit garçon sur le flanc. Du sang s'étala sur sa robe et sur la neige. Bleue ne cria pas, en dépit de cette peur qui lui broyait le ventre. Le petit garçon semblait mort. Elle lui passa une main tremblante sur le visage et fut soulagé de sentir la chaleur sous ses doigts. Elle coiffa les longues mèches noires et emmêlées du garçon, et s'amusa à regarder le petit visage parfait... ou presque. En effet, les longues traînées sanguinolentes coulaient tout autour de la bouche, sur le menton, et dans le cou. Bleue prit un peu de neige et nettoya avec la bouche du garçonnet. Puis, avalant sa salive, elle prit de la neige dans sa main, ouvrit la bouche du petit et lui mit dedans l'élément froid. Le petit garçon sembla l'avaler, mais ses yeux restèrent fermés. Bleue regarda alors dans la bouche et le cri de frayeur qui lui échappa fut couvert par l'arrivé de Mlle Rosa et de l'infirmière.
  • Que lui arrive t-il, demanda l’infirmière.
Avant que Mlle Rosa n'ait put ouvrir la bouche, Bleue sanglota:
  • Sa langue, et son alouette ont été coupées, et il a plein de coupure dans la gorge.
L'infirmière resta coite, puis lentement rouvrit la bouche du petit garçon. Sa grimace horrifiée confirma les dires de Bleue.
  • Il va falloir le déplacer, très vite, pour l'amener à l'infirmerie... Il faut empêcher qu'il s'étouffe. Et qui sait combien de sang il a perdu... Mlle Rosa, vous êtes prête ?
La jeune femme avait déjà pris les chevilles du garçon. L'infirmière compta a rebours, puis elle souleva le garçon par les aisselles, et chancelante, ordonna de marcher rapidement, sans faire beaucoup bouger le garçon. Bleue regarda le petit convoie s'éloigner, et effondrée par ce qu'elle venait de vivre, elle tomba a genoux dans la neige ensanglanté. Il y a avait des plumes, à ses pieds.

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