Villi ferma les yeux. Une
semaine s'était écoulé depuis sa confrontation à la Reine, et il
n'avait cherché à la recroiser depuis. Au contraire, plus il se
tenait loin d'elle, mieux c'était, considérait-il.
Pour le moment, il devait
juste se calmer.
La bibliothèque était
son lieu de prédilection préféré. Il y venait souvent quand il
n'avait pas de consultation, et pouvait y rester de nombreuses
heures. Il se leva. Ses pas le menèrent malgré lui au seul rayon,
parmi les deux cent quatre vingt dix autres (de l'étage inférieur),
où ses yeux noirs n'avaient jamais parcourus les lignes tracées, et
les mots effacés. D'une main presque aussi sèche que le papier
lourd qu'il caressait depuis longtemps, il tira un ouvrage sombre,
épais, hors du rayon ''grands criminels de l'histoire''.
Il mit le livre sous son
bras, et retourna à sa place préférée; près de la fenêtre est
de la bibliothèque, assis à une chaise rembourrée mais raide. Il
posa le livre sur la table, avança sa chaise, et délicatement,
tourna la couverture poussiéreuse.
Les grands
criminels de l'Histoire.
Depuis la fin des
temps, que ce soit sur la Terre, ou dans notre monde, des hommes se
sont démarqués de la société par leurs crimes, leurs violences,
leurs façons d'agir ou leurs idées.
De nombreux événements
furent conduits par ces hommes, et tous eurent des morts sur les
consciences.
Villi sauta quelques
lignes.
1. Sur la Terre.
De nombreux criminels
furent recensés sur la planète Terre, et bien que le nombre de
crimes commis là-bas, soit beaucoup plus importants que chez nous,
les Lumanors dépassants toutefois de loin le plus sanglant
psychopathe terrien qu'il existe.
Encore quelques lignes.
Soudain, Villi s'arrêta sur une ligne plus nette que les autres :
Exécutions massives
de nos criminels.
Dans notre monde, une
des règles principales à respecter, est, comme en alchimie,
l'idéologie de l’échanger équivalent d'un corps. Ou simplement,
principe équivalent.
C'est pourquoi, on
laisse le choix aux criminels emprisonnés pour ayant commis un seul
meurtre, s'il souhaite s'occuper de la famille de leur victime.
A ce moment là, il y
a trois options.
- Le prisonnier accepte, et devient l'esclave, au mieux, de la famille en deuil.
- Le prisonnier accepte, mais pas la famille. Dans ce cas, le prisonnier, comme principe de l'échange équivalent, meurt.
- Le prisonnier refuse, et est tué.
Les techniques
d'éradication dans ce genre de cas sont diverses et variées. Si le
criminel a de trop nombreuses morts sur la conscience, il est
fusillé.
S'il n'en a qu'une
seule, il a le choix de choisir sa mort (pendaison, guillotine,
fusillé, noyé, injection, lapidation, étouffement, asphyxie,
bûcher, crucifixion, seppuku, ou autres suicides rituels, et encore
poison.), et son délai de vie, cela variant de vingt-quatre heure à
trois ans. Les …
Villi déglutit. Ce
livre, …, c'était horrible. Comment pouvait parler de l'exécution
des gens comme cela ? C'était froid, sans sentiments, pervers.
Sadique. Villi eut soudain un haut-le-cœur. Il se leva, et
s'approcha de la rangée concernée pour ranger le livre, qui soudain
lui échappa des mains. Dans un bruit sourd, celui-ci chuta au sol,
et s'ouvrit dans ses dernières pages. Villi se pencha. Un mot, bien
que cela fût interdit, était entouré en rouge.
Karly Spirtyan.
Villi releva ses
lunettes.
(...)
Karly Spirtyan. Qui
était-ce? Pourquoi quelqu'un avait t'il entouré en rouge le nom
d'un criminel. Villi regarda sa montre. Cela faisait cinq heures
qu'il était assis à la table, en réfléchissant. Il ne comprenait
pas. Pourquoi entourer en rouge, puis laisser a la porter de tous?
Karly Spirtyan.
Villi n'avait jamais
entendu parler de ce nom. Il regarda pour la millième fois le nom
tracé à la plume. Aucun indice. Seulement: "exécution le
trois juillet mille huit cent soixante treize. A demandé une
incarcération de plus de cinq ans, avec la possibilité de
travailler à la prison, accordée en vue de son comportement
exemplaire. On ne connait pas les causes exactes de son
emprisonnement. Mort: auto-injection, au bout des cinq ans
demandés."
Villi sourit. Ce livre
était un vrai gruyère; il n'y avait rien de justifié, et
manquaient des informations capitales.
Pourquoi, tout d'un coup,
réalisa t-il, eut-il soudain l'impression d'avoir déjà entendu le
nom de Spirtyan?
- Hum hum, hmmh, excusez-moi, est ce que mon grade me permet d'accéder aux anciens registres de l'Armée? Hmmh, cela concernerait les exécutions des principaux criminels.
- Euh, et bien, je ne sais pas, vous êtes ?
- Hmmh... Médecin Imperial.
- Euh, puis je en avoir une preuve?
Villi soupira. La jeune
femme brune aux grande lunettes rondes semblait désolée, toutefois.
- Hmmh, mon matériel, et ma médaille...
- Oh, je vois, je suis confuse, euh, oui, bien sûr, vous, euh, les registres sont dans l'Annexe... euh, vous trouverez?
- Vous savez, Mademoiselle, je suis ici tout les jours!
Et il s'éloigna, en
souriant.
- Oui, je sais, enfin, euh...
Il ne se retourna pas, il
savait qu'elle rougissait.
(...)
L'Annexe était une salle
de six mètres, à l'ambiance étouffante, remplie de livres, dont
certains, faute de place, étaient posés à même le sol. De ce
fait, des colonnes de livres, de plus de deux mètres s'élançaient
vers le plafond, qui par chance, était haut. Villi referma la porte.
Une unique fenêtre carrée, de un mètre vingt sur un mètre vingt
éclairait la salle oppressante. Villi soupira. Où chercher?
Il tendait un doigt vers
un livre quand un cor résonna dehors. Le sang de Villi se glaça
dans ses veines, et il ne put s'empêcher un sursaut. Il tendit
l'oreille. Dehors, un bruit avait surplombé tous les autres.
Régulier, qui se rapprochait de plus en plus. Un sourire se dessina
sur la face de Villi qui traversa l'Annexe.
- Déjà de retour...?
Villi s'approcha de la
fenêtre. Il l'ouvrit, et dans les rayons de la lumière, il salua
mentalement les fiers soldats blancs qui apparaissaient aux portes de
la ville, sous les louanges naissantes.
Les Saeps étaient de
retour.
Telios aussi.
Bondissant hors de
l'Annexe, et en courant, passa devant la bibliothécaire, qui rougit
de plus belle.
- Sil vous plait, essayez de me trouver un livre sur les grands criminels de notre monde!
Et il claqua la porte.
La jeune femme, toute
rouge, debout au milieu de la pièce, réagit doucement.
- Euh, d'accord....
(...)
Les éclats du soleil
miroitaient sur les casques argentés et se reflétaient dans la
blancheur des lourdes capes. Jetées sur leurs épaules à eux
quinze, les plis du tissus claquaient dans le vent, au rythme des
foulées qui les rapprochaient du centre ville. Sur leurs chevaux, un
drapé arborait l'emblème de la Straelitzie; un taureau ailé, le
symbole de l'Empire.
Villi, au garde à vous,
tenait le bras de la Reine. Il l'avait croisée dans les couloirs,
avec sa suite, et celle-ci, bien qu'apparemment fatiguée, lui avait
proposé de l'accompagner pour saluer le retour triomphant des Saeps.
Et Villi avait pris cela comme une excuse a propos de la semaine
dernière. Il souriait.
Le peuple jetait des
fleurs sur la route des cheveux puissants, qui lentement, remontaient
la longue route pavée de la ville.
La route principale,
droite, coupait la gigantesque ville en deux, du nord au sud, de la
porte principale, à la porte du château. Chaque pavé composant
cette route avait été greffé d'un magnifique éclat argenté,
unique pour chaque pavé. Le marbre qui constituait chaque pavés,
maison, ou trottoir, était d'une blancheur immaculée, et les
courbes parfaites de la ville, les lampadaires de fer foncé, les
toits d'ardoises, les bancs de pierre, et les statues d'ivoires ou
d'argent, et toutes autres merveilles faisait de Reiche Stadt une des
plus grandes villes du monde, mais aussi une des plus belle. Reiche
Stadt signifiait «Ville riche ».
Villi en tremblait
presque d'excitation. Cela faisait trois ans que les Saeps, la caste
d'élite guerrière de ce monde, sillonnait les deux continents, dans
l'espoir d'épaissir leur rang. Avant de partir, ils n'étaient que
dix. Ils étaient désormais quinze.
Ces hommes faisaient la
fierté de l'Empire.
À leur tête, "fier
comme un coq, têtu comme une mule, et courageux comme un Lion"
comme aimait le décrire Villi, avançait dignement sur son cheval
gris; Téliosen. Commandant suprême de l'armée de l'Empire, et
Lieutenant de sa Majesté.
Téliosen, alias Telios,
était son meilleur ami, et bien que le Commandant soit un vrai
coureur de jupon, il avait toujours été loyal envers Villi et
jamais ne l'avait ignoré. Ils s'entendaient comme des frères.
Eclairé par le soleil
couchant, et sous les feux de gloire de l'entrée triomphante des
Saeps, Villi rit, heureux de connaître une personne si chère à son
cœur, un ami dont on ne pouvait rêver mieux.
Comme une amitié
d'enfant.
(...)
- Gaaaaaaaaaarde à vous!
Villi adorait quand
Téliosen prenait ce ton sérieux, ce ton qui lui allait si mal. Ce
type brun, ténébreux, au caractère farouche, n'était plus
vraiment lui si un sourire malicieux ne se peignait pas sur son
visage, ou si des étincelles de joie faisaient crépiter ses yeux
sombres.
Son visage pointu, au
profil bien dessiné, était séducteur, et de nombreuses plaintes
avaient été portées contre lui pour vol de fiancées.
Le problème de Téliosen,
c'est qu'il était incapable de fonder une famille. Il adorait passer
une soirée a l'Opéra avec la fleuriste, ou d'aller déjeuner avec
la pharmacienne, après être allé chercher la danseuse étoile du
petit café du coin.
Telios était... la peste
noire des jeunes mariés. Et maris.
A son départ, Telios
avait failli faire une crise cardiaque quand il avait appris qu'il
devait partir. En effet, ce soir là, il avait rendez-vous avec la
fille d'un maire.
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