vendredi 8 février 2013

28. Villi et Télios(en)

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Villi ferma les yeux. Une semaine s'était écoulé depuis sa confrontation à la Reine, et il n'avait cherché à la recroiser depuis. Au contraire, plus il se tenait loin d'elle, mieux c'était, considérait-il.
Pour le moment, il devait juste se calmer.
La bibliothèque était son lieu de prédilection préféré. Il y venait souvent quand il n'avait pas de consultation, et pouvait y rester de nombreuses heures. Il se leva. Ses pas le menèrent malgré lui au seul rayon, parmi les deux cent quatre vingt dix autres (de l'étage inférieur), où ses yeux noirs n'avaient jamais parcourus les lignes tracées, et les mots effacés. D'une main presque aussi sèche que le papier lourd qu'il caressait depuis longtemps, il tira un ouvrage sombre, épais, hors du rayon ''grands criminels de l'histoire''.
Il mit le livre sous son bras, et retourna à sa place préférée; près de la fenêtre est de la bibliothèque, assis à une chaise rembourrée mais raide. Il posa le livre sur la table, avança sa chaise, et délicatement, tourna la couverture poussiéreuse.


Les grands criminels de l'Histoire.



Depuis la fin des temps, que ce soit sur la Terre, ou dans notre monde, des hommes se sont démarqués de la société par leurs crimes, leurs violences, leurs façons d'agir ou leurs idées.
De nombreux événements furent conduits par ces hommes, et tous eurent des morts sur les consciences.

Villi sauta quelques lignes.

1. Sur la Terre.

De nombreux criminels furent recensés sur la planète Terre, et bien que le nombre de crimes commis là-bas, soit beaucoup plus importants que chez nous, les Lumanors dépassants toutefois de loin le plus sanglant psychopathe terrien qu'il existe.

Encore quelques lignes. Soudain, Villi s'arrêta sur une ligne plus nette que les autres :

Exécutions massives de nos criminels.

Dans notre monde, une des règles principales à respecter, est, comme en alchimie, l'idéologie de l’échanger équivalent d'un corps. Ou simplement, principe équivalent.
C'est pourquoi, on laisse le choix aux criminels emprisonnés pour ayant commis un seul meurtre, s'il souhaite s'occuper de la famille de leur victime.
A ce moment là, il y a trois options.
  • Le prisonnier accepte, et devient l'esclave, au mieux, de la famille en deuil.
  • Le prisonnier accepte, mais pas la famille. Dans ce cas, le prisonnier, comme principe de l'échange équivalent, meurt.
  • Le prisonnier refuse, et est tué.

Les techniques d'éradication dans ce genre de cas sont diverses et variées. Si le criminel a de trop nombreuses morts sur la conscience, il est fusillé.
S'il n'en a qu'une seule, il a le choix de choisir sa mort (pendaison, guillotine, fusillé, noyé, injection, lapidation, étouffement, asphyxie, bûcher, crucifixion, seppuku, ou autres suicides rituels, et encore poison.), et son délai de vie, cela variant de vingt-quatre heure à trois ans. Les …

Villi déglutit. Ce livre, …, c'était horrible. Comment pouvait parler de l'exécution des gens comme cela ? C'était froid, sans sentiments, pervers. Sadique. Villi eut soudain un haut-le-cœur. Il se leva, et s'approcha de la rangée concernée pour ranger le livre, qui soudain lui échappa des mains. Dans un bruit sourd, celui-ci chuta au sol, et s'ouvrit dans ses dernières pages. Villi se pencha. Un mot, bien que cela fût interdit, était entouré en rouge.
Karly Spirtyan.
Villi releva ses lunettes.

(...)

Karly Spirtyan. Qui était-ce? Pourquoi quelqu'un avait t'il entouré en rouge le nom d'un criminel. Villi regarda sa montre. Cela faisait cinq heures qu'il était assis à la table, en réfléchissant. Il ne comprenait pas. Pourquoi entourer en rouge, puis laisser a la porter de tous?
Karly Spirtyan.
Villi n'avait jamais entendu parler de ce nom. Il regarda pour la millième fois le nom tracé à la plume. Aucun indice. Seulement: "exécution le trois juillet mille huit cent soixante treize. A demandé une incarcération de plus de cinq ans, avec la possibilité de travailler à la prison, accordée en vue de son comportement exemplaire. On ne connait pas les causes exactes de son emprisonnement. Mort: auto-injection, au bout des cinq ans demandés."
Villi sourit. Ce livre était un vrai gruyère; il n'y avait rien de justifié, et manquaient des informations capitales.
Pourquoi, tout d'un coup, réalisa t-il, eut-il soudain l'impression d'avoir déjà entendu le nom de Spirtyan?
  • Hum hum, hmmh, excusez-moi, est ce que mon grade me permet d'accéder aux anciens registres de l'Armée? Hmmh, cela concernerait les exécutions des principaux criminels.
  • Euh, et bien, je ne sais pas, vous êtes ?
  • Hmmh... Médecin Imperial.
  • Euh, puis je en avoir une preuve?
Villi soupira. La jeune femme brune aux grande lunettes rondes semblait désolée, toutefois.
  • Hmmh, mon matériel, et ma médaille...
  • Oh, je vois, je suis confuse, euh, oui, bien sûr, vous, euh, les registres sont dans l'Annexe... euh, vous trouverez?
  • Vous savez, Mademoiselle, je suis ici tout les jours!
Et il s'éloigna, en souriant.
  • Oui, je sais, enfin, euh...
Il ne se retourna pas, il savait qu'elle rougissait.

(...)

L'Annexe était une salle de six mètres, à l'ambiance étouffante, remplie de livres, dont certains, faute de place, étaient posés à même le sol. De ce fait, des colonnes de livres, de plus de deux mètres s'élançaient vers le plafond, qui par chance, était haut. Villi referma la porte. Une unique fenêtre carrée, de un mètre vingt sur un mètre vingt éclairait la salle oppressante. Villi soupira. Où chercher?
Il tendait un doigt vers un livre quand un cor résonna dehors. Le sang de Villi se glaça dans ses veines, et il ne put s'empêcher un sursaut. Il tendit l'oreille. Dehors, un bruit avait surplombé tous les autres. Régulier, qui se rapprochait de plus en plus. Un sourire se dessina sur la face de Villi qui traversa l'Annexe.
  • Déjà de retour...?
Villi s'approcha de la fenêtre. Il l'ouvrit, et dans les rayons de la lumière, il salua mentalement les fiers soldats blancs qui apparaissaient aux portes de la ville, sous les louanges naissantes.
Les Saeps étaient de retour.
Telios aussi.
Bondissant hors de l'Annexe, et en courant, passa devant la bibliothécaire, qui rougit de plus belle.
  • Sil vous plait, essayez de me trouver un livre sur les grands criminels de notre monde!
Et il claqua la porte.
La jeune femme, toute rouge, debout au milieu de la pièce, réagit doucement.
  • Euh, d'accord....

(...)

Les éclats du soleil miroitaient sur les casques argentés et se reflétaient dans la blancheur des lourdes capes. Jetées sur leurs épaules à eux quinze, les plis du tissus claquaient dans le vent, au rythme des foulées qui les rapprochaient du centre ville. Sur leurs chevaux, un drapé arborait l'emblème de la Straelitzie; un taureau ailé, le symbole de l'Empire.
Villi, au garde à vous, tenait le bras de la Reine. Il l'avait croisée dans les couloirs, avec sa suite, et celle-ci, bien qu'apparemment fatiguée, lui avait proposé de l'accompagner pour saluer le retour triomphant des Saeps. Et Villi avait pris cela comme une excuse a propos de la semaine dernière. Il souriait.
Le peuple jetait des fleurs sur la route des cheveux puissants, qui lentement, remontaient la longue route pavée de la ville.
La route principale, droite, coupait la gigantesque ville en deux, du nord au sud, de la porte principale, à la porte du château. Chaque pavé composant cette route avait été greffé d'un magnifique éclat argenté, unique pour chaque pavé. Le marbre qui constituait chaque pavés, maison, ou trottoir, était d'une blancheur immaculée, et les courbes parfaites de la ville, les lampadaires de fer foncé, les toits d'ardoises, les bancs de pierre, et les statues d'ivoires ou d'argent, et toutes autres merveilles faisait de Reiche Stadt une des plus grandes villes du monde, mais aussi une des plus belle. Reiche Stadt signifiait «Ville riche ».
Villi en tremblait presque d'excitation. Cela faisait trois ans que les Saeps, la caste d'élite guerrière de ce monde, sillonnait les deux continents, dans l'espoir d'épaissir leur rang. Avant de partir, ils n'étaient que dix. Ils étaient désormais quinze.
Ces hommes faisaient la fierté de l'Empire.
À leur tête, "fier comme un coq, têtu comme une mule, et courageux comme un Lion" comme aimait le décrire Villi, avançait dignement sur son cheval gris; Téliosen. Commandant suprême de l'armée de l'Empire, et Lieutenant de sa Majesté.
Téliosen, alias Telios, était son meilleur ami, et bien que le Commandant soit un vrai coureur de jupon, il avait toujours été loyal envers Villi et jamais ne l'avait ignoré. Ils s'entendaient comme des frères.
Eclairé par le soleil couchant, et sous les feux de gloire de l'entrée triomphante des Saeps, Villi rit, heureux de connaître une personne si chère à son cœur, un ami dont on ne pouvait rêver mieux.
Comme une amitié d'enfant.

(...)

  • Gaaaaaaaaaarde à vous!
Villi adorait quand Téliosen prenait ce ton sérieux, ce ton qui lui allait si mal. Ce type brun, ténébreux, au caractère farouche, n'était plus vraiment lui si un sourire malicieux ne se peignait pas sur son visage, ou si des étincelles de joie faisaient crépiter ses yeux sombres.
Son visage pointu, au profil bien dessiné, était séducteur, et de nombreuses plaintes avaient été portées contre lui pour vol de fiancées.
Le problème de Téliosen, c'est qu'il était incapable de fonder une famille. Il adorait passer une soirée a l'Opéra avec la fleuriste, ou d'aller déjeuner avec la pharmacienne, après être allé chercher la danseuse étoile du petit café du coin.
Telios était... la peste noire des jeunes mariés. Et maris.
A son départ, Telios avait failli faire une crise cardiaque quand il avait appris qu'il devait partir. En effet, ce soir là, il avait rendez-vous avec la fille d'un maire.

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