vendredi 8 février 2013

29. Fin du voyage, début des hostilités.



Elyo rit.
Ils avaient mis moins d'un an, finalement.
Les sept mois de voyage, ou ils avaient tout utilisé pour aller plus vite, leurs avaient en tout cas permis quelque choses, a eux tous.
Bleue, Fline, Willan, Elyo.
Désormais, ils étaient tous amis.
Bien qu'encore renfermés sur eux même, et encore méfiants face à ce nouveau monde, Elyo et Willan avaient muris.
Et liés par une chose dont ils ne connaissaient que le nom, mais cela avait encore peu d'importance.
Ensemble, durant sept mois, ils avaient affrontés les Loups, les Ours, les brigands, la peur et la faim.
Ou la souffrance ...
Elyo et Willan avaient grandis de vingt centimètres, environ, et dépassaient Bleue d'une demie tête Celle-ci, plus athlétique, avait sut garder sa beauté durant tout le voyage, et ses chansons, chaque soir, avait redonné de l'entrain a la troupe.
Surtout le samedi.
L'étrange malédiction qui régnait sur les garçons Spirtyan devenait problématique. Ils n'avaient put se déplacer le samedi, obliger de rester coucher, tellement la douleur avait été forte. Chaque semaine, durant une demi-année, Elyo et Willan avait connu l'Enfer.
Leurs cotes semblaient avoir été brisées, leurs cranes explosaient, les cœurs haletaient, les chevilles se tordaient. Ils l’avaient nommée Maladic.
Et aussi, les garçons crachaient beaucoup de sang depuis un mois. Depuis leurs quatorze ans.
Leur corps ne supportait plus cet excès. Elyo en avait mal au cœur rien que d'y penser. Par deux fois, durant tout le voyage, il avait cru mourir. Ces deux derniers samedi, le sang avait coulé a flot, et il avait failli assommer Fline qui tentait de le maintenir, mais la douleur l'avait tellement transpercé, irradié a ce moment là, quand Fline l'avait touché, que le pauvre petit garçon avait été éjecte, deux mètres plus loin, déboussolés. Dans ses larmes de douleurs, Elyo avait essayé de s'excuser, mais la douleur l'avait fait sombrer dans un univers de ténèbres et de sang.
Il s'était réveillé, le lendemain, du sang partout sur lui. La crise était de plus en plus violente.
Mais bien que cet obstacle de poids empêchait les quatre jeunes gens de voyager plus vite, leur amitié et leur dévouement les uns pour les autres ne s'en trouvais qu'améliorée.
Ils se connaissaient mieux, maintenant.
Fline pouvait désormais délibérer avec Willan et Elyo, bien que ce dernier préfère encore Flinoser.
Bleue et Willan avaient été mis au courant du singulier don de télépathie du garçon, et avait été étonné que les yeux de cristal et les yeux d'émeraudes puisse partager une conversation intime.
Bleue souriait beaucoup, désormais. Elle était douce quand il fallait l'être, mais n'hésitait pas à frapper Elyo ou Willan quand ceux-ci l’importunaient.
Seul Willan avait appris à la craindre.
Elyo, lui, semblait ne pas remarquer les ondes néfastes qui se déversaient sur lui, quand il affichait souvent sa tête hilare. Ce qui était très dommage pour ses dents.
  • Quatorze ans et toutes mes dents!
Fline, le petit garçon, avait lui aussi grandi. Son visage s'était un peu durci, mais ses yeux de cristal restaient purs et magnifiques .Il était aussi désormais capable de pouvoir se transformer en un oiseau de couleur grise, dont la tête carrée et sage, le bec petit, acéré et recourbé, les grandes prunelles sombres et rondes, et la fait qu'il puisse tourner sa tête à trois cent soixante degrés, le faisait ressembler a une chouette ou un hibou.
A un détail près.
Une troisième patte, munie de serre redoutable, était anatomiquement incompatible avec une simple chouette ou un hibou.
Anatomiquement.
Pour effrayer Bleue, Fline aimait beaucoup tourner lentement sa tête dans le sens complet d'une aiguille d'une montre, puis pousser un ululement strident.
Cri a tout les coups.
Willan riait beaucoup. Solémio un peu moins.
Le jeune Kalionss allait sur ses sept mois, et il avait désormais atteint la taille d’un jeune labrador.
Un labrador recroquevillé sur lui même, ses formidable muscles tendus à l'extrême, le dos rond, les yeux affamés.
Pauvres petits oiseaux et lapins imprudents.
Très imprudents.
Willan avait désormais trouvé le moyen de manger sans avoir besoin de chasser ou d'aller a la pèche. Solémio s'en occupait.
Un peu trop, d'ailleurs.
Une semaine avant d'arriver a la frontière de la plaine de Tylyn, un matin, en se réveillant sous les rires appréciateurs de Bleue et d'Elyo, il avait découvert le cadavre encore chaud d'un gros rat noir.
Il avait alors expliqué aux moqueurs qu'un félin présente souvent son respect a son maitre en lui offrant à manger, à manger encore chaud.
Elyo avait alors voulu demander à Willan s'il devait manger son rat, quand il avait compris toute la symbolique de ce geste. Le jeune Kalionss, le fauve meurtrier, avait un sens de l'honneur développé.

(…)

Elyo ferma les yeux. Le vent souffla doucement sur son visage venant faire flotter ses longs cheveux.
Bleue, Willan et Fline s'arrêtèrent eux aussi pour contempler leur victoire. En dessous d'eux, à environ cinq kilomètres, le gigantesque lac de Flanioryminatalionirual, étendue d'eau ancestrale, et s'étendant sur des centaines de milliers de mètres, et disparaissant aux pieds des montagnes dominantes, le « Miroir des Âmes », ou « Miroir des Dieux » ; traçait en la terre une éclatante cicatrice fluide.
L'eau argentée sillonnait entre les hautes montagnes et collines, et en son centre, bien qu’en altitude, Elyo ne put ignorer Spirtyano: l'Arbre Millénaire, celui dont les racines liaient à elles seules la terre des deux continents. L'arbre support. Mais aussi, selon son nom: l'Ombre Astrale.
Son nom n'était pas dut au hasard. L'arbre rayonnait d'une magie oubliée, d'une puissance disparue. C'était l'Arbre Sacré. L'Arbre au Dieux.
Elyo trembla. Il avait la chair de poule. Le fait de se retrouver devant un arbre mystique portant son nom lui faisait un choc, … Karly lui avait autrefois appris la provenance de Spirtyan.

« Elyo, écoute moi, écoute je te dis. Alors? Tu te calmes? Bon, regarde cette esquisse... tu sais ce qu'elle représente? Regarde bien, mon poussin... C'est l'Arbre Spirtyano... »
La voix de Karly, comme une caresse du temps, disparut dans sa tête. La voix de son père laissait place à la voix d'un fou.
« Elyo Spirtyan... »
Elyo ferma les yeux.
« Regarde Elyo, tu es l'ombre astrale, mon chéri... »
Papa.
Une larme sembla tomber du ciel, pour venir s’écraser sur le sol de son désespoir.
Une larme qui aussitôt se transforma en des cadavres fumants, semblant darder sur lui des regards pleins de reproches.

Elyo se retourna vers Bleue. Elle fixait le ciel d'encre qui se reflétait dans l'eau bleue. Il s'approcha d'elle.
  • Est-ce que ça va? Demanda-t-il doucement.
  • Mmh, marmonna t'elle, lorsque tu me demandes si ça va, tu t'apprêtes toujours à me demander quelque chose.
  • Oui, répondit-il en lui répliquant un sourire rayonnant. Dans combien de temps seront nous à Reiche Stadt, tu penses?
  • Au mieux, je dirai dans deux jours, répondit-elle, s'attirant les attentions des trois garçons, car nous devons trouver un moyen de traverser le lac, et ensuite, dit elle en tendant le doigt, nous devrons contourner Shulia,
La Montagneuse.
Le regard de Willan, de Fline et d'Elyo se tournèrent automatiquement dans la trajectoire du doigt de Bleue, et aussitôt, ils virent la Shulia, la frontière royale.
La Shulia était une chaine de montagnes qui entourait le Ful-Reiche Stadt.
Cette défense naturelle avait souvent protégé le pays (Ful) des Rois, et même aujourd'hui, des assaillants seraient stoppés net devant cette barrière.
Elyo nota soudain un détail singulier: des cris résonnaient en bas de la corniche. Les cinq se penchèrent et purent observer la cause du tapage : une quinzaine de cavaliers louches avaient stoppés un convoi de quatre caravanes. Et jetait leurs passagers sur le sol, les maltraitants.
Horrifié, Elyo vit un Viel homme se faire couper la main. Violemment, il se redressa. Des yeux, il chercha rapidement autour de lui. Il découvrit rapidement ce qu'il cherchait.
  • Will, Bleue, Fline! Par là!
Ils acquiescèrent, et d'un même mouvement, coururent vers le petit chemin escarpé qui permettait de descendre la corniche. Fline, qui était a l’avant, eu soudain une idée, et d'un acquiescement mental avec Elyo poussa un grand cri, qui dans sa gorge à la langue coupé, résonna comme étranglé; morbide. Les cavaliers, qui n'étaient plus qu’à quelques centaines de mètres, se retournèrent soudain vers eux, et un cheval se cabra. Son cavalier le maitrisa rapidement, et se mit soudain à rire, observant les renforts: des gamins, avec un petit garçon qui courait devant. Son rire cruel se mua en un rictus effrayé quand le petit garçon fit place à un Aquila blanc, déployant des ailes de cinq mètres chacune, sa visage se déchirant en un bec cuivré, et décollant du sol, des serres acérées se vrillant dans la direction des chevaux. Un hurlement suraigu s'échappa de la gorge de l'homme, qui fit cabrer son cheval épouvanté. Une vague de terreur s'empara de la troupe des cavaliers, qui s'enfuirent au galop, devant la forme monstrueuse de l'Aquila meurtrier.
Elyo se roulait par terre, mort de rire. La débandade des voleurs et leur panique étaient hilarants. Des cris de souffrance le firent taire. Le Viel homme saignait abondamment, et ses compagnons, épouvantés, s'agitaient autour de lui.
Bleue se précipita. Elle attrapa une longue toile rêche blanche et en déchira un long morceau. Elle fit rapidement calmer la petite troupe, et fabriqua tant bien que mal un garrot de fortune.
  • Il faut que vous respiriez profondément. Calmez-vous.
Le Viel homme à la peau parcheminée en pleurait de douleur, mais ses mâchoires crispées indiquaient son combat contre la douleur.
Un jeune garçon, les larmes ruisselantes sur ses joues bronzées, enlaça le Viel homme.
  • Papy... Pa...Py...
  • Ne t'inquiète pas, ça va aller le rassura Bleue souriante. Sa vie n'est pas en danger.
Le petit garçon le foudroya du regard. Un homme s'approcha d’eux, encore secoué, et posa sur le Viel homme un regard empli d'une tristesse infinie.
  • Père, je m'excuse, murmura doucement l'homme en s'agenouillant devant le vieux.
Celui ci avait coincé son bras sous son aisselle, et la pâleur avait envahi son visage.
  • Monsieur? Se risqua Elyo.
Le vieil homme fit soudain une chose étonnante: il sortit un poignard aux décorations occidentales sur la garde, et d'un rapide mouvement, se l'enfonça dans la poitrine. Le cœur d'Elyo cessa de battre au moment où la lame s'enfonça dans celui du vieux. Doucement, les yeux fatigués se refermèrent, et le corps ramassé tomba lentement dans les bras de son fils, tandis que le petit garçon hurlait de désespoir. Deux femmes et un autre homme vinrent autour du cadavre et aidèrent le fils du défunt à la porter sur un brancard.
Elyo les yeux grands ouverts, n'arrivait plus à réagir: son cerveau avait décroché.
Willan lui, trépignait.
  • Maisquesskisssestpassé? Maisquesskisssestpassé?
Bleue se releva, un rictus de dégout sur le visage.
  • Ce sont des musiciens.
  • Hein?
  • Des musiciens Tril-Fan, ou plus exactement; les musiciens aux deux mains. Ils ont pour coutume de savoir jouer avant même de parler.
Elyo, paralysé par l'horreur, ne comprenait pas.
  • Mais, quel est le rapport, demanda pour lui Willan.
Bleue regarda le brancard, et détournant ses yeux du petit garçon qui pleurais tout seul dans son coin, elle souffla.
  • Les Tril-Fan n'ont pas pour habitude de jouer d'une main.
Et elle contourna les caravanes, intimant les garçons de la suivre, de continuer, sans se détourner.

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