vendredi 8 février 2013

27. Villi Tylmaridior.


Villi Tylmaridor était médecin, avait suivi un enseignement chaman, et pratiquait la nécromancie. Ses connaissances médicales, religieuses, et scientifiques faisaient de lui un homme respecté, aimé, mais craint. Son talent de guérisseur avait de nombreuses fois sauvé des vies, et ce, dans Reiche Stadt, et il avait rapidement atteint la confiance de la Majesté Impériale. Son grade aussi avait pris un sérieux coup. De docteur des campagnes, il était devenu Médecin Impérial. Il avait atteint ce rôle, il y avait quelques années de cela, en sauvant le royaume entier de la Straelitzie, d'une épidémie dévastatrice: la grippe cendrée. En moins de six mois de recherches et de ténacité, les trois milles morts avaient été vengés. Villi avait rapidement exposé ses recherches, et tous les médecins et ou autres charlatans de la cour avaient du reconnaître le génie de cet homme, aujourd'hui âgé d'une trentaine d'année. La motivation de Villi avait débuté quand sa famille et son village furent dévastés par les terribles symptômes : fièvres, démangeaisons, trouble de la vue, spasmes de douleurs, vertiges, puis, immolation soudaine des dermes et des organes internes. Les flammes humaines, comme on les appelait.
Parmi les trois milles morts, certains d'entre eux n'étaient en aucun cas porteurs de la maladie. Ils avaient simplement brûlés quand leurs époux, épouses, voisins, voisines, frère ou sœurs les avaient simplement touchés, embrassés, ou frôlés. Ces morts immédiates et violentes avaient traumatisé la population, qui durant une demi année avait embrassé la catastrophe. La peur avait régné des jours et des jours quand enfin, la Majesté leur avait redonné espoir en pressentant ce jeune homme de vingt ans a peine. Villi Tylmaridor avait été acclamé comme un héros, quand, une quinzaine de jours plus tard, la monstrueuse Enflammeuse fut éradiquée. Cela s'était passait quinze ans plus tôt. Mais avait gardé secret le résultât de ses trouvailles.
Villi Tylmaridor, âgé de trente cinq ans, était un sauveur.

(...)

En ce moment précis, le sauveur était affalé sur une chaise, la tête sur le dossier, dans la bibliothèque royale, située dans le château royal, à Reiche Stadt. Le dossier sur l'expansion des territoires Lumanors avait déjà été emprunté, et Villi rageait.
  • Hmmh, si jamais je trouve cet enquiquineur, je te l'étripe. Marmonna-t-il.
Il se leva. Son visage, droit, la mâchoire carrée, le nez long, fin, et droit, la bouche sévère mais fine, et ses yeux noirs, calculateurs, ses cheveux noirs , eux aussi, fils d'ébène parsemé de quelques mèches brune, étaient rejetés en arrière, mais , comme toujours, une résistait.
Il était d'apparence séductrice, mais sa beauté était souvent masquée par le peu d'intérêt qu'il portait aux femmes.
Sa fiancée, une jeune femme de son village natal, et lui n'ayant rien put faire pour l'aider, s'était un jour éteinte devant lui.
Allumée, plutôt...
Villi tenta une fois de plus de maîtriser cette rebelle, mais les cheveux revinrent rapidement à leur place.
  • Hmmh, tu m’énerves, toi.
Il se leva. La cape de l'uniforme du royaume claqua, suivant son mouvement. Celui-ci était noir, militaire, décoré de bordures argent, le long des manches, du col, et de la boutonnière. Chaque boutons, argentés, étaient frappés du blason royal: le taureau ailé a queue de serpent. La cape, noire, était bordée par les épaisses lignes d'argent. Pour compléter l'uniforme, la casquette noire, militaire, portant une petite médaille argentée, représentant une fois de plus le taureau ailé. Le Gualira, était un symbole interdit de copier lorsque s'il s'agissait de l'utiliser à d'autres fins que militaires, actes royaux, ou représentation de protection civile. Autrement dit, seul le roi, la reine, les soldats (ou toute autre personne faisant partie de l'armée...), la police, et le drapeau national avaient le droit de le revêtir librement.
Gualira représentait l'union des deux continents. Et aux fils des millénaires, il était devenu le symbole royal. Le symbole militaire de la Straelitzie était le taureau noir, celui de la Talandie était un dragon des glaces, aux ailes duveteuses.
Ces dernières années, le rapport qu’entretenaient les deux continents était sous tension. En effet, des mauvaises langues avaient affirmées que l'Enflammeuse provenait de Talandie, et de nombreux Lumanors avaient payés l'affront dans un bain de sang, détruisant de nombreux village Stapaphiliums. La reine Lianila avait convoquée le roi Kriel, qui avait remercié la reine de son intervention miracle en lui baisant la main. Ce simple geste avait immédiatement rétablît une paix. Fragile, mais existante.

Villi se dirigea vers la sortie de la bibliothèque. Un homme en uniforme l'appela soudain. Il se retourna.
  • Hmmh?
  • Pardonnez-moi, Lord, mais la Reine vous sollicite; elle souhaite vous voir immédiatement. Dans ses quartiers, pas dans la salle de réception, ajouta l'homme avant de s'éloigner.
  • Hmmh, merci.
Villi rajusta d'un doigt ses fines lunettes sombres sur son nez, et ouvrit la lourde porte de bois gravée. Que lui voulait-elle?
Villi avança d'un pas rapide, bousculant quelques courtisans, et longea le couloir des lions. Ce couloirs, un des plus sublimes du gigantesque palais, était le lieu le plus éclairé qui soit dans la totalité de l'architecture. Six cents statues de lions de topazes avaient été alignées dans le couloir tapissé de vitre couvrant les murs d'est et d'ouest, et où des miroirs faisaient office de plafond. Toutes les statues, dans un mouvement, une gestuelle, ou un regard différent, se faisaient uniques. La transparence des statues faisait miroiter leurs crinières figées, et leurs corps étincelants n'avaient pour rivaux que leurs yeux flamboyants. Chaque statue, unique, étaient placés de manière a rutiler différemment selon les pôles extrêmes de la journée : trois cents lions rutilaient le matin, au soleil levant, et trois cent flamboyaient le soir au soleil couchant. Le couloir était d'une longueur de six cent mètres.
Villi, comme de nombreuses autres personnes, avait une statue préférée. Il l'avait compté, c'était le numéro cent onzième, du coté est, représentant un lion qui les yeux à demi fermé, assis sur les pattes arrières, secouait sa crinière, dans un feulement silencieux. Sa queue, vive et légère, semblait vivante, figée au moment ou elle aurait dût frapper le sol de marbre. Sa crinière, tournoyante, figée elle aussi, dans un style si parfait que les poils ondulants semblaient être caressés par une brise de savane. L'artiste était allé jusqu'à sculpter les cils fins et droits du Roi des animaux.


Lion.
Bien qu’inférieur au Kalionss par la taille, le poids et le niveau de danger, le Lion possède une chose qui lui est unique : l'élégance majestueuse. Cet animal, plus vieux que le Kalionss, a sut se forger sa réputation de roi et sait se faire admirer comme supérieur aux autres fauves. Le Kalionss, comparé au Lion, est un saprophyte, un hybride qui peut se comporter comme une hyène, et ne respectant pas une des lois animales : ne manger que par besoin. « Le Lion, rassasié, pourra embrasser la gazelle, le Kalionss, lui, ronronnera en s'approchant. » est un des nombreux dictons de Talandie, reflétant l'un des seuls défauts du Kalionss.


Villi cligna des yeux: les rayons du soleil de l'ouest s'étaient reflétés dans les miroirs du plafond, et irradiaient maintenant les statues de l'Est.
Villi sursauta. Combien de temps était t-il resté là? Il n'avait pas vu le temps passer. Une heure? Cinq minutes? Il se mit à courir. Les lions de topaze semblèrent se moquer de lui.
Après avoir utilisé un passage secret et une porte coulissante dont peu de personnes connaissaient l'existence, Villi dérapa sur un épais tapis brodé représentant des Lycanthropes se battant contre des Zyphanelles, il put frapper discrètement à une gigantesque porte de bois de rose, encadré par deux statues de Lion tenant un lys.
On lui indiqua qu'il pouvait entrer.

Villi poussa la porte, et aussitôt fut aveuglé par la lumière qui s'en dégagea. Il cligna des yeux.
Le rayon du soleil, miroitant sur le marbre le verre, et le cristal. Villi sentit ses yeux s'habituer lentement à l'incroyable clarté qui régnait dans la chambre de la Reine. Villi s'avança, au garde à vous.
  • Oh, Docteur Tylmaridor, je suis heureuse que vous soyez arrivé si vite. Vous allez bien?
Villi tourna les yeux vers la voix douce et particulière. Devant lui, se tenait la Reine.
Celle-ci n'était pas la plus belle des femmes, mais elle s'en rapprochait. Son visage, blanc, était composé d'harmonie et de lumière: ses yeux pétillants, d'un marron couleur noisette, si clair qu'il en devenait mordoré, ses longs cils droits, épais, soulignait délicatement cette couleur chaude et rassurante. Ses cheveux, blonds, étaient assemblage complexe de toutes les nuances de blond qu'il puisse exister : l'or, le tournesol, le pissenlit, le soleil, le platine, et la lunaire. Ses pommettes hautes, légèrement rosées, étaient délicieuses, et ses lèvres, fraîches, étaient des pétales de roses blanches.
Son âge, bien qu'un peu plus avancé, ne semblait pas dépasser les vingt ans.
Et cela n'était du à aucun artifice.
Villi, comme de nombreux hommes, ne put s'empêcher de frémir devant la beauté de sa Reine.
  • Hmmh, vous souhaitiez me voir?
La Reine descendit de la petite estrade d’où elle dominait la pièce.
  • Villi...
Elle s'approcha.
  • Je souhaiterais que me rendiez un service. Un service... qui m'est vital.
La voix aux saveurs exotiques, suaves, s'insuffla dans la tête de Villi qui en resta pantois.
La Reine sourit doucement. Elle attrapa une mèche gracieuse qui pendait sur sa poitrine, et en un mouvement majestueux, la rejeta en arrière. Une pluie d'étoile filante suivit avec grâce la chute lente des fils d'or. Villi remonta ses lunettes.
  • Voyez.
La Reine dénuda soudain ses avant-bras. Ceux-ci, blancs et purs, ne portaient aucune décoration. Ni même son corps entier. Comme parure dorée, la Reine possédait sa cascade ondulante de soleil. Et une unique chevalière, argentée, ornait le délicat index droit de la souveraine. Le gage d’amour. L'unique souvenir matériel qui restait du Roi.
  • Hmmh ?
La Reine rit soudain doucement.
  • Laissez-moi-vous raconter la véritable histoire des éléments fondateurs qui moulent l'histoire de notre actuel gouvernement.
Villi fronça les sourcils.
  • Quand mon mari était de ce monde, notre nuit de noce ne fut que de courte durée, et je dois vous avouer que nous n'avons put nous connaître charnellement, du moins ce jour là. Et puis, un an, à peine après notre union, je pus enfin rejoindre mon aimé dans son lit. Et, ce fut pour moi le jour le plus beau de ma vie quand mon ventre s'arrondit.
La reine sembla soudain songeuse.
« Le Roi et moi, nous étions si heureux... La vie nous souriait, nous étions jeunes, heureux, et la vie nous comblait de bonheur. Et puis, un soir, la guerre civile explosa... »
Villi remua, il savait ce qui se passait, la scène semblant se dérouler sous ses yeux, au fil des souvenirs de ce qui s'était passé à cette époque-là.
« Un mois, a peine, après que vous ayez découvert le remède a l'Enflammeuse. Les Lumanors furent insulté, et, le jeudi trois février de l'année 1910, au soir, tandis que le soleil se couchait, un Lumanor pris de folie se jeta sur une fillette stapaphilium, et la tua.
Elle se nommait Yuna Lin. Elle n'avait que huit et ce soir là, se promenait près du port, malgré la menace de la tension qu'il existait entre les deux continents, et la possibilité d'une pénétration Lumanor dans la cité. On avait retrouvé son corps dans les heures à venir, une balle dans la tempe.
 Comme vous savez, le lendemain matin, le Lumanor a avoué son crime. Et le père de la fillette ...a sorti un revolver... Vous connaissez la suite. Cela ne dura qu'un an, mais les morts furent nombreux, et la guerre civile emporta de nombreux innocents, surtout des enfants. Et aussi mon aimé, quelque semaine avant le fameux baisemain... »
Lianila soupira, les yeux emplis d'une tristesse effroyable. Sa main se posa inconsciemment sur son ventre.
« Pour beaucoup de personnes, le fait que l'on m'ait retrouvé au pied de la tour principale était un effroyable accident; un terroriste Lumanor ayant réussi à me précipiter jusqu'en bas. J'ai survécu, grâce à vous qui avez pris soin de moi. Mais je ne sais trop comment, la vérité a été enfouie. Vous le saviez, vous aussi: que ce n'était pas une chute non-intentionnelle. Cette nuit là, en apprenant le décès de mon mari, la guerre qui ne se terminait pas et des injustices les plus monstrueuses les unes que les autres, j'étais bien décidé à abandonner la vie. Seulement, on ne pouvait pas raconter aux gens que la Reine cherchait à se suicider. Ils ont cependant considérés qu'il était impérieux de me garder à la tête du Royaume: si le peuple venait à se rendre compte que je n'étais plus sous la couronne, il se questionnerait et cela pourrait aggraver les choses. »
  • Majesté... votre enfant est mort lors de votre chute, n'est ce pas?
Elle rit doucement, sans joie.
  • Connaissez-vous l'Ouroboros?
Villi réfléchit rapidement. L’Ouroboros. Un symbole représentant le cycle universel. Reprit par les Grecs, qui lui donnèrent son nom: « Celui qui se mord la queue ». Un cercle symbolisé par un serpent se mordant la queue: selon l'histoire, ce serpent agonisant, au seuil de la mort, se dévora lui même afin de survire. Un cercle vicieux, universel.
  • Hmmh. De nombreuses légendes tournent autour de l'Ouroboros, il me semble. Où voulez-vous en venir, Majesté?
  • À la Terre. Cette planète en connexion avec la nôtre, qui nous fournit autant d'énergie que nous lui en fournissons. Pour les Normands, cet Ouroboros prenait le nom de Jormangurd, le serpent géant qui de son corps entoure le monde. Chez les hindous, le serpent géant, représentant le support du monde, portant sur lui les quatre éléphants, qui porte de leur trompe le monde. Chez les alchimistes, ce serpent prenait le nom de Serpent Roi. Vous savez de quoi il s'agit, n'est ce pas?
  • Oui, murmura-t-il, le Basilique.
  • Au Japon, le dragon asiatique représenté en un mouvement circulaire.
  • L'ouroboros... c'est le cycle universel... la mort et la vie.
  • Oui, siffla la Reine, afin de survivre, il faut manger. Et la mort entraîne la vie. C'est un cercle …, murmura t-elle, comme lassée.
  • Un cercle infini, se permit de reprendre Villi. Infini. Il ne se terminera jamais, tant que la vie existera sur ces mondes.
  • Villi... ne voyez-vous donc pas pourquoi je vous ai fait venir? Vous êtes l'homme qui m’a donné les cachets pour que j'expulse le fœtus de mon ventre. Vous êtes celui qui a assisté à tout, depuis le départ. Je ne puis que vous détester autant que je vous crains, parce que vous connaissez la vérité, et que moi, je ne sais rien; j'ai abandonné depuis longtemps ce que je croyais la vérité. Alors dites-moi!

L'ambiance de la chambre s'était glacée. Tant de haine, de pleurs tellement retenus qu'ils s'étaient au final cristallisé dans la poitrine de la Reine, pour n'en ressortir que maintenant, accrues par la violence des mots qu'elle utilisait, et chargés par les sens lourds de la métaphore de l’Ouroboros qu'elle avait utilisé, au final, pour désigner sa survie et la mort de son enfant. Villy était effondré. Il savait que cette conversation aurait du avoir lieu bien avant. Mais jamais il n'avait eu le courage d'affronter la colère justifiée de la Reine. Une mère tuée. Était-ce qu'on avait fait d'elle? Il s'en voulut; de la même manière dont il s'en était voulu, lorsque quelques années plus tôt il avait forcé cette femme à prendre les pilules qui ôteraient l'enfant de l'utérus.
Tombant à genoux, piteux, plein d'amertume, il se prosterna, face contre terre, devant la Reine.

  • Je suis désolé. Jamais, ô grand jamais, il ne faut que vous pensiez que l’Ouroboros représente la mort de votre enfant, Madame. Il n'y a rien de moins symbolique, Madame. Si vous venez à en penser cela, cela aurait des conséquences terribles sur votre manière à gouverner ce pays. Alors je vous en prie; laissez-moi plutôt prendre la responsabilité de la mort de votre enfant, plutôt que de penser que vous avez survécu parce que votre enfant mourrait. Je vous en prie!
  • Je vous espère de trouvez votre Ouroboros. Car jamais, malgré tout ce que je ressens, je ne pourrais vous en vouloir assez pour me permettre de dénigrer mon peuple. Soyez juste. Tenez vos promesses. Et adviendra ce qu'il adviendra. Merci. Je vous aime.

Sur ces mots, elle s'éloigna doucement, laissant la chambre froide et Villi glacé.
Qu'avait elle voulu dire?


(...)


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