vendredi 8 février 2013

12. Adoption de l'oeuf.


Willan restait silencieux. Les œufs avaient été brisés. Les bébés Kalionss étaient morts. Willan s'approcha et délicatement caressa le pelage doré/brun des presque morts nés. Le pouls ne battait plus. Un détail affreux lui fit monter un haut-le-cœur. Les cinq petits cadavres étaient encore tièdes. Ils venaient de mourir.
  • Merde.
Willan était choqué. S'il s'était dépêché, les bébés auraient survécus, peut être.
Une larme glissa sur ses joues d'enfant. Willan se sentait coupable. S'il n'avait pas dit qu'il voulait aller dans la forêt... le Kalionss ne se serait pas jeté sur lui, et les bébés vivraient aujourd'hui.
Les sanglots le terrassèrent et il chuta sur le sol. Il pleura tout son soûl. Puis, restant sur le sol, il observa les minuscules gueules, fermés à jamais. Il prit délicatement les corps et les déplacèrent, quand soudain, en raclant le sol, la main de Willan balaya le sol, révélant une petite bosse. Un œuf avait été enterré. Un œuf qui n'était pas ouvert. Willan resta immobile. Y avait-il un survivant?
Lentement, il ôta la coquille grande comme son avant bras, et le regarda, ahuri.
  • Noooooooooon? Murmura-t-il, ébahi.
Il leva vers le soleil la coquille et par transparence vit la vie.
Dans une membrane visqueuse, un bébé Kalionss remuait faiblement. Ce n'était plus un embryon, mais il ne tarderait pas à éclore .Willan tint un instant le miracle dans ses bras, puis, il se leva. Laisser les corps des bébés le répugnait, mais s'il pouvait sauver une vie...
Il n'hésita pas.
Il bondit comme un fou, abandonnant la pelle et les œufs derrière lui. Les branches le giflèrent, lui déchirèrent le visage, mais il ne ralentit pas sa course effrénée. L’œuf pouvait éclore dans une minute comme dans une semaine. Une semaine au maximum, certes, mais il ne pouvait pas le laisser là. Un vautour pourrait le briser, ou alors il éclorait et personne ne pourrait le sauver. Willan refusait de laisser mourir ce Kalionss.
Il avait tué un Kalionss, et sa dette était de réparer la mort d'un individu en construisant la vie d'un autre. Willan arrivait maintenant près de la rivière. Il bondit dans l'eau, et nagea d'une seule main, luttant contre le courant. Il courut sur la berge, escalada les rochers, traversa les ronces, glissa sur une pente sableuse, bondit par dessus les bosquets, et enfin, hors d'haleine, atteint le lieu où Elyo et lui dormaient depuis quatre semaines.
Ils avaient passés cinq jours, sans pause ni relâche, pour construire un camp habitable, naturel et discret. Loin, très loin de Faier-Hayrdhann.
Un assemblage d'une quinzaine de troncs de bouleaux reliés entre eux, tel un radeau, avait été hissé à deux mètres du sol, tenant lieu de plafond, et recouvert de feuilles en tout genre. Quatre piliers de pierre soutenaient le toit, et la terre avait été retournée, rendant le sol plus malléable. Elyo avait eu l'idée de fabriquer des espèces de rideau végétal, en accrochant plusieurs feuilles en longues bandes vertes, afin de se protéger un peu du vent et de la pluie. Willan s'était occupé de la fabrication, tandis qu'Elyo avait passé deux bonnes heures à apporter les pierres pour les piliers. Ils avaient dormi très profondément, ce soir là, épuisés par leur labeur.
Ainsi, vivant dans la forêt, ils passaient désormais leurs temps à méditer sur les paroles de Bleue, et à s’entraîner.
Cela faisait donc quatre semaines qu'ils vivaient dans la forêt. Elyo était occupé à couper distraitement du bois, et il ne se retourna pas quand Willan arriva en courant.
  • Tu l’as enterré? Demanda t-il doucement, taillant en pointe la branche qu'il tenait à la main.
Willan prit le temps de souffler, puis il coupa Elyo
  • Regarde! Regarde ce que j'ai trouvé dans son nid!
Elyo, sceptique se retourna, puis reconnaissant l'objet que Willan tendait vers lui, ses yeux s'exorbitèrent.
  • C'est … C'est …?
  • Ouiiiiii! S'écria Willan, fou de joie. C’est le seul à ne pas avoir éclos, tu te rends compte! Si ce n’est pas un signe, ça !
Elyo prit délicatement l'œuf, et le soupesa soigneusement, puis il le porta vers la lumière. Un sourire adorable se peignit sur visage halé.
  • Et il bouge .Willan, c'est génial!
Il rendit l'œuf à Willan qui le pressa délicatement.
  • Quand penses-tu qu'il éclora ?
  • Franchement, au pire, deux semaines.
  • Au mieux?
  • ... Demain, ou après demain. Peut être même aujourd'hui.
Un silence s'installa sur le camp.
  • Tu veux le garder?
Des flammes de joie et de détermination s'allumèrent dans les yeux émeraude de Willan. Il repoussa une mèche noire et déclara.
  • Je me porte garant de sa vie.
  • Parfait, alors, il va falloir trouver une place dans notre nid pour bébé Kalionss.
Willan rit, puis caressa amoureusement la coquille grise et épaisse de l'œuf. Un mouvement se fit sentir sous ses doigts.
  • Tu crois qu'il entend ce qu'on dit?
  • Peut être. Mais ce n'est pas forcément ''il'', tu sais.
  • Oh si, on peut connaître le sexe d'un individu Kalionss si l'on sait observer. Les marques les plus concluantes sont souvent la forme et la taille de la coquille, et aussi les motifs sur la surface. Et encore la position dans laquelle le bébé se tient dans la poche embryonnaire.
  • Donc, c'est un mâle. Comment l'as tu vu?
  • L'œuf est ovale. Chez les femelles, il est parfaitement circulaire. Les anneaux de la coquille en forme de rosace, et le bébé est en position assise. C'est donc un petit mâle.
  • Comment est-ce, chez les femelles?
  • L'œuf est rond, parce que le bébé est replié sur lui même, les anneaux sont très peu, et la coquille est souvent blanche.
  • Comment fais tu pour retenir tout ça? Si j'étais roi, tu pourrais facilement me détrôner, avec tes connaissances.
  • Si tu étais roi, je serai toujours a tes cotés, te conseillant. Et puis je ne te détrônerais jamais.
Ils rirent un moment, puis remarquèrent que le soleil se couchait.
  • Dans deux jours, ce sera le solstice du printemps.
  • Dans deux jours, ils viendront.
  • Ils sont peut être déjà en route.
  • Oui, je reverrai Bleue.
Elyo, ébahi, regarda Willan, qui semblait rêver.
  • Noooon?
  • Quoi?
  • J'aurais du m'en douter !
  • Quoi?
  • Willan... tu es amoureux !
  • Hein? Non!
  • Mais si !
  • Bien sur que non !
  • C'est vrai ?
  • Oui.
  • Cool, tu me la laisse?
  • Jamais !
  • Tu vois : tu es amoureux !
  • Je te hais.
  • Moi aussi, mon amour.
  • Bonne nuit, frère indigne.
  • Je t'aime aussi.
Cette nuit là, Elyo fit un rêve étrange.

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