Willan, avait désormais
treize ans. Il avait toujours été le petit frère, celui que l'on
protégeait, et qu'on choyait. Mais aujourd'hui, c'était différent.
Il avait changé et n'étais plus le gamin incertain qui avait peur
sur Ofyr-Lan. Il n'était plus le petit garçon qui disait « je
crois ». Il avait grandi.
Elyo était silencieux et
nerveux. Comme un chat aux aguets, il rôdait dans la maison, dans
les rues sombres de Faier-Hayrdhann, rentrant parfois le soir
tabassé, mais toujours plus rageur que la veille.
Elyo et Willan
s’entraînaient. Chaque jour. Ils s’identifièrent rapidement à
des animaux sauvages, débutant une vengeance meurtrières.
L’épisode « Pièce Noire » avait été traumatisante.
Et Karly l’avait négligé. Entraînement physique, culturel. Le
savoir et la force. Tout comme Karly l’avait demandé. Simplement,
comme des enfants niais, ils obéirent, sans opposition.
Ils apprirent rapidement,
en autodidacte, à lire encore plus, à calculer selon un niveau plus
élevé. Mais cela; dans le secret, sans que personne ne s’en
doute…
(...)
Depuis le départ de leur
père, les garçons avaient radicalement changé de vie; ils
passaient leurs temps a la bibliothèque, qui leurs étaient ouverte
indéfiniment depuis que Elyo eut sauvé la Zyphanelle.
Ensuite, ils passaient
des journées entières dans les montagnes environnantes. Il leurs
arrivaient parfois de disparaître une semaine entière dans les
bois, et de réapparaître, certains membres brisés. Ils étaient
devenus plus sauvages aussi. Les garçons ne communiquaient qu'entre
eux, et ne répondaient pas aux rares questions qu'on leurs posaient.
Finalement, ils étaient devenus de '' vrais petits voyous ''.
D'autant plus, que lorsqu'ils n'allaient pas dans la forêt, dans la
montagne, ou à la bibliothèque, ils passaient leurs temps à
escalader les façades raides des maisons, ce qui irritaient les
habitants de Faier-Hayrdhann. Des plaintes étaient déposées, mais
jamais ils n'avaient été poursuivis, comme si une étrange force
les protégeait de tout ce qu'on pouvait leur reprocher.
Qu'ils traînent le soir
dans les bas quartiers de la ville, ou rôdent sur le port devint une
situation familière pour tous, et on finit par les considérer comme
des chats sauvages: sales, indomptables, et irrécupérables.
(...)
C'était un vendredi. Le
jour était ensoleillé, les bateaux rentraient au port, les filets
remplis de poissons. Elyo, se réveilla, les yeux fixés sur le lit
de son frère, à l'opposé de la pièce. Il referma les yeux, prêt
a ses rendormir, quand une pensée lui revint immédiatement en
mémoire, le giflant mentalement.
- Oh! Réveille-toi! C'est notre anniversaire dans..., Elyo s'arrêta et regarda l'horloge accroché au mur-, deux heures et vingt-cinq minutes! On va avoir douze aannnns ! Willan, allez!
Elyo, hilare, regarda le
gros tas informe de couverture remuer, et il vit apparaître une tête
brune, qui semblait émerger dans d’horribles conditions.
- Je suis fatigué..., marmonna Willan.
- Peu m'importe! On a un super gâteau à dévorer!
Cet argument convainquit
Willan, qui rejeta ses draps, et secouant les cheveux qui lui
arrivaient aux épaules, comme Elyo, récupéra ses pantoufles, pour
accompagner Elyo jusqu'à dans la cuisine.
(...)
Après avoir mangé deux
parts de l'énorme gâteau, les garçons se préparèrent à sortir,
pour se rendre à la bibliothèque, comme chaque jour, pour lire,
calculer, découvrir, se cultiver. Ils passèrent par Ofyr-Lan,
prirent un raccourci, et se retrouvèrent en moins de temps qu'il
n'en faut pour le dire, devant la bibliothèque. Ils passèrent
devant le bureau de réception, et la Zyphanelle les salua. Elyo
regarda d'un œil morne tout le plafond et la partie est qui avait
été rénovée. Un flash-back lui revint: les flammes, la chaleur,
les cendres, l'horreur, Willan qui le regardait en souriant. Elyo se
stoppa aussitôt. Les battements de son pouls s'accélérèrent
soudainement. Il jura. Il attrapa son frère et le fourra sous une
table, a l'abri des regards. Murmurant, il demanda:
- Le jour de l'incendie, tu ne m'as pas suivi, n'est ce pas?
Willan, étonné,
répondit:
- Bien sur que non. C'était mon intention, quand deux types m'ont empêché de te suivre. Je leur ai ordonné de me lâcher, mais ils m'ont éloigné.
Elyo lui raconta comment,
évanoui, il avait participé au sauvetage de la Zyphanelle.
- Tu comprends, une poutre m'est tombée sur le dos, je ne pouvais plus bouger. Et avant de perdre conscience, j'ai aperçu... mon reflet, mais j'ai cru que c'était toi. Ensuite, j'ai vu la scène, comme si c'était moi qui la jouais. Mais tout en sachant que ce n'était pas moi; tu me suis? Puis, je nous ai sauvés, la Zyphanelle et moi, et ensuite je suis sorti, nous portant, et là, j'ai plus de souvenirs.
Willan regarda son frère
sans bouger, puis, finalement, lâcha.
- En fait, et je sais que j'aurais du t'en parler plus tôt... mais il y avait une sorte de double de toi. Ce truc avait ton visage, mais une forme... d'étoile de mer? Je crois que ça a horrifié tout le monde, lorsque c'est sorti des flammes. Ça vous tenait tous les deux dans ses bras, la Zyphanelle et toi, et ça semblait trop loufoque pour exister. Deux hommes sont venus vous récupérer, mais dès que tu as été éloigné de cette étoile de mer, elle a disparu, et plus personne n'en a parlé.
Ils s'assirent sur le
banc de la table et, baissant la voix, Elyo murmura:
- Faisons brièvement le point. On sait qu'il est important de se cultiver, et c'est surtout sur cela qu'on s'est concentré. Je sais que lorsque je me bats la nuit, dans la rue, pour essayer de voir si la douleur ou la colère déclenche quelque chose, ça ne fait rien du tout. Le seul truc qui continue à rester tout aussi bizarre, c'est le fait qu'on ait mal le samedi.
- On n'a pas non plus rencontrés "trois autres comme nous". Si ce sont bien des enfants comme Karly l'a dit, on a pourtant passé des jours et des jours sur le port, pour voir si des matelots amenaient des enfants ici. Mais rien du tout.
- Donc on peut dire que sur trois années, deux ont servis à... lire, écrire, apprendre. À réfléchir. C'est important, non? Dans les livres, certains héros n'arrivent pas à sauver des gens parce qu'ils ne savent pas comment réfléchir, sur le moment où il faut être perspicace.
- Je ne sais pas vraiment si ça nous avance à grand chose. Soupira Willan. Même si c'est mieux que rien. On a fait des efforts, et ça doit compter, certainement.
- Alors continuons à considérer que la "piste à suivre" est qu'il faut faire de nous au maximum des... comment expliquer cela... des êtres capables de se défendre sans pouvoir. Donc, avec de la culture, par exemple. M'kay?
Elyo se dirigea vers les
lourds rayons de livres, et disparut dans le labyrinthe de colonnes
de livres, de parchemins et de recueils de toutes sortes.
(...)
Ils ressortirent le soir
même de la bibliothèque, et se faufilant discrètement derrière le
bâtiment, pour ne pas être dérangés. Elyo expliqua:
- Si cette ''piste'' s'avère satisfaisante, il ne faudra plus être dérangé. Nous passeront tout notre temps sur ce sujet, nous devront travailler sans relâche, ne plus se permettre la moindre feignantise. Ne plus forcément respecter les règles, si celles-ci nous empêche d'atteindre notre objectif. Nous devons changer... encore plus. Nous devons évoluer. Parce que sinon, le fait que ces enfants soient morts pour nous n'aura plus aucun sens. Tu n'es pas d'accord? Pour cela... on ne peut pas se débrouiller seuls. Nous devons trouver un maître.
(...)
Ainsi, de leurs douze
ans, jusqu'à leurs treize ans, les jumeaux s'acharnèrent à
apprendre plus que jamais. La Zyphanelle fut témoin de leurs longues
journées, où recourbés au dessus de leur livre, ils lisaient sans
jamais se lasser des textes en tout genre. Cela dura quatre mois,
puis un jour, on ne les vit plus. On les chercha, discrètement, mais
ils n'apparaissaient plus ni sur le port, ni dans les ruelles, et
leur maison ne s'allumait plus. On commença à penser qu'un malheur
leur était tombé dessus, et le maire fit mobiliser une section
spéciale pour fouiller les caniveaux, les dédales d'eau qui
circulaient à travers la ville, mais on ne trouva rien. Quelqu'un
proposa d'abandonner les recherches; Elyo et Willan n'avaient jamais
été appréciés, et même s'ils n'étaient que des enfants, ils
étaient promis à devenir aussi louches que leur père. Et qu'ils
aient disparus était une bonne chose, cela débarrassait la ville de
deux voyous.
En vérité, les jumeaux
s'étaient écartés loin de la ville. Ils s'étaient rendus dans les
montagnes. Et là, ils avaient rencontrés un homme, qui en échange
de l'histoire de l'Heimer, leur apprit ce qu'ils n'auraient jamais pu
intérioriser avec des livres. Cet homme leur partagea tout son
savoir militaire: il les entraîna à l'attaque et à la défense, à
la traque, et à la fuite. Ils apprirent à se battre, grâce à cet
enseignant tombé du ciel, qui avant de les rencontrer, se dirigeait
vers Faier-Hayrdhann. Pour les jumeaux, ce type n'avait rien à voir
avec Karly, mais ayant assisté à une de leurs douleurs du samedi,
il s'était présenté comme médecin, et leur avait demandé
pourquoi de telles douleurs se manifestaient-elles. Les jumeaux lui
avait tout révélés, et cet homme avait promis de garder le secret,
bien que fasciné par l'existence de tels dons. Il avait cherché à
activé ces derniers, mais rie n'avait marché. Il avait donc décidé
de fournir, pendant les huit mois restant, tout l'enseignement dont
il était capable pour permettre aux jumeaux Spirtyan de se défendre
en temps et en heure. Seulement, ce médecin fut obligé, à un
moment, de se séparer des jumeaux. Il intensifia donc son programme,
et au bout de quelques mois à peine, considéra leur avoir appris
tout ce qu'il fallait. Sur ce, il quitta la montagne, se rendant,
selon ses dires, à la capitale. Les jumeaux firent alors leur plus
grande découverte, pour les six mois restants.
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