lundi 4 février 2013

8. Enterrement et envol.


L'horizon semblait brouillé par un amas de tâches floues et noires, toutes surmontées par des parapluies. L'odeur de terre humide s'élevait vers le haut, dans des effluves étrangement agréables, plongeant Elyo dans une rêverie houleuse. Il regardait sans vraiment les voir les gens défiler devant le trou de la bière d'Anna. Il ne connaissait pas la plupart des personnes ici, mais savait qu'une grande majorité était des collègues, des amis, des connaissances. Il y avait aussi cette famille; qu'Elyo et Willan n'avaient jamais vraiment supportés: des "cousins", qui n'avaient aucun lien de sang avec eux, des "tantes", des "grands-mères" et des "grand-père", dont les jumeaux n'avaient gardés aucun souvenir. Ils restaient tous les deux immobiles, veillant à ne pas sourire devant ces airs faussement tristes de leurs cousins. Ces derniers, blonds aux yeux bleus, ressemblaient à ces mannequins; superficiels et détachés de la réalité. Une bonne raison de plus pour les détester, songea Elyo en penchant légèrement son visage, faisant craquer ses jointures dans son dos. Près d'eux, Estéban, qui tenait un large parapluie noir. En levant les yeux, le métis aurait presque pu voir ce ciel de jais, assemblage de baleines métalliques et de tissus imperméable. Il reposa ses yeux sur le trou qu'on rebouchait lentement. Que voulait-il dire? Qu'aurait-il voulu lui dire avant qu'elle ne meure? Qu'il l'aimait? Il avait l'impression de ne lui avoir pas assez dit. Peut-être suffisamment, car les moments de tendresse avaient été récurrents, mais peut-être pas assez pour lui. Il aurait peut-être voulu lui dire aussi que la porte du placard du garage n'avait jamais été réparée, que le voisin de fond de la rue avait carrément flashé sur elle, et qu'elle avait été une maman super. Peut-être que s'il avait sut qu'elle mourrait, il aurait trouvé le temps de lui dire. Malgré toute sa fierté, Elyo sentit les larmes brouiller ses yeux, et bientôt, des mains inconnues se posèrent sur ses épaules, sur ses cheveux noirs et indiens, venant caresser ses boucles ébène. On lui murmura, à lui à Willan des paroles de réconfort, et on les embrassa. Il plissa ses yeux verts, refusant de regarder toutes ces personnes qui se pressaient autour de lui. Il attendit quelques minutes, puis se libérant sans grande vigueur, s'approcha de la pierre tombale, et de sa plaque. Il posa la rose blanche, qu'il tenait en main depuis le début de l'enterrement, sur la plaque de, et regarda, à travers ses larmes amères, le nom ciselé d'Anna Petrovski-Durial.
  • Anna... Hum...
Il inspira profondément, sentant le regard particulièrement tactile de Willan posé sur lui, ainsi que tous ceux, moins ressentis des autres. Il les ignora, gardant seulement Willan, pour concentrer son attention sur sa pensée, et sur le souvenir de sa mère.
  • Tu nous as dit un jour d'aller au bout de nos rêves. Je crois que je n'ai pas saisi, à l'époque, l'importance de cette phrase. Alors je te...
Ses larmes coulèrent encore, en silence, et il tordit ses lèvres, plissant son regard vert pour ne pas céder à l'envie d'exploser à coup de pied ces plaques mortuaires qui se dressaient sous ses yeux comme des preuves de sa souffrance.
  • Je ME promets que je vais devenir écrivain.
  • Et personne ne pourra t’en empêcher, parce que je t’aiderais, d’accord ?
Elyo ne tourna pas la tête, ravi que Willan soit à côté de lui.

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