Le vent se leva dans la
pleine, s'infiltrant dans les arbres. Vint secouer les cheveux des
voyageurs égarés. Le soleil chutait rapidement, et il allait faire
froid.
Bleue avait terminé son
récit, maintenant.
Elle se tut un instant.
- Retrouvons nous dans six mois, à midi. Entraînons nous chacun de notre coté, et dans six mois, au solstice de printemps, retrouvons nous ici. Si nos destins sont croisés, nous ferons route ensemble, et ensemble, nous rechercherons nos origines
- Mais... c'est incroyable! Et... et si... cela était prévu? Comment? Pourquoi?
- Willan, c'est cela ton nom, n'est ce pas ? Écoute, je ne sais pas. Je ne fais qu'obéir à des instructions qui m’ont été données il y a deux ans: « Durant deux ans, cherchez au fond de vous, puis quand vous les aurez trouvez, tous les deux, partez avec eux. Mais attendez d'abord. Soyez sur que ce sont eux. Et, surtout ne leurs parlez pas. »
- Tu n'a pas vraiment obéie, n'est ce pas ?
- Non. Écoutez, si nous sommes liés par cet Heimer, notre route est entrelacée. Entraînez-vous, faites ce qu’a dit votre père. Le mieux est de ne pas s’attirer ses foudres pour le moment. Et... à dans six mois. »
Elle était partie, sans
un dernier regard. Fline s'était retourné.
« Au revoir. »
Elyo regarda Willan.
Puis, ils pleurèrent, leur détermination soudainement ébranlée.
Est-ce que Karly ne serait pas plus fort, au final ? Est-ce que
cela vraiment à quelque chose d’essayer de décider alors que leur
père avait clairement dit qu’ils rencontreraient des gens comme
eux, et qu’effectivement, sa prémonition s’était réalisé ?
Est-ce que cela servait à quelque chose que de se battre contre ce
qui semblait déjà écrit ?
(…)
Ils avaient alors passé
leurs temps dans la bibliothèque, dans la forêt, s’entraînant à
la course, à la natation, a l'escalade. Tout ce qui leur semblait
nécessaire afin d’affronter sans lacunes les épreuves à venir,
épreuves promises par Karly.
Mais aucune fois leurs
dons ne réapparurent.
Quand cinq mois se
furent écoulés, ils décidèrent, au terme de l'échéance, d'aller
vivre dans la forêt, n'emportant que le strict nécessaire.
Willan, décida un jour
d'aller, seul, dans la montagne.
Il marchait d'un pas
souple. Son corps s'était endurci. Il empruntait un sentier depuis
quelques minutes. La lourde pelle traînait derrière lui. Il avait
quelque chose d'important à faire.
La rivière s'était
élargie. Les arbres s'étaient obscurcis. Il traversa la rivière en
nageant. Cela faisait cinq mois qu'il n'était pas revenu ici. Il
sortit de l'eau, et put apercevoir le cadavre abandonné.
Il était là et les
souris avaient presque tout mangé. Il restait les os et quelques
surfaces recouvertes de rares poils rêches.
Willan s'assit près du
cadavre du Kalionss. Ses mains se baladèrent sur les côtes
parfaitement visibles. Il abaissa légèrement son torse, cherchant à
observer la forme du bassin. Ce dernier confirma ses suppositions :
l’animal mort était une femelle.
Willan prit de l'eau dans
une épaisse écorce et la versa sur les derniers poils restant du
cadavre. Il peigna avec ses doigts la fourrure humide.
- En fait je ne sais pas comment je t'ai tué.
Willan posa sa main sur
la mâchoire du Kalionss et inspirant, pria. Comme Elyo, autrefois.
- Père Créateur et Tout Puissant. Seigneur Dieu. Accepte l'âme de Ta créature, et pardonne lui ses pêchées. Que Ta bienveillance dévoile son Amour, et que cet être vivant te rejoigne.
Amen.
Puis, après quelques
instants de méditation, il se leva, et choisi un endroit éclairé
par un rayon du soleil couchant : entre les gigantesques racines
d'un vieil arbre noueux, dont les branches, souple, tombantes,
étaient garnies de milliers de minuscules fleurs grises, se
balançant doucement dans le vent .Une terre rougeâtre, et des
trèfles noirs et rouges recouvrant le sol terreux. Un lieu de repos
parfait. Le calme et la beauté pour dernière demeure à une
créature puissante et mortelle.
La pelle s'enfonça
facilement. Willan creusa profondément. Un trou circulaire. Presque
parfait.
Willan remonta. Ses
vêtements étaient maculés de terre humide, et ses mains étaient
cloquées. Mais la mort se respectait. Il prit dans ses bras la
lourde carcasse du fauve, et veillant à ne faire chuter aucun os, se
rapprocha du trou. La difficulté de l'exercice le fit haleter, mais
il alla jusqu'au bout.
Il se coucha lentement
sur le sol, et tendant les bras, déposa le plus délicatement
possible la carcasse dans le trou. Puis, il reprit sa pelle et
s'apprêtait à recouvrir le trou quand il se figea. Il courut vers
la rivière, et feuilla une plante aquatique. Puis, il déposa le
végétal entre les mâchoires puissantes, considérant qu’il était
nécessaire de faire un cadeau posthume au Kalionss.
Le tertre était
rougeâtre. Une croix de bois la surplombait. Un petit bouquet était
posé sur la terre retournée. Willan observa la tombe une dernière
fois, puis, se mit en route.
Il ne mit pas beaucoup de
temps, ses talents de pisteurs étaient exceptionnels. Les griffures,
les traces presque effacées, les poils, les excréments. Il mit
moins d'une heure. Dans une grotte, emplie de végétation, il trouva
la tanière du Kalionss. Et ses craintes s'avérèrent juste. Des
coquilles brisées, des corps inertes jonchaient le nid du Kalionss.
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