Elle se releva une heure
plus tard, définitivement sûre d’elle et étudia le résultat. La
couture avait été plutôt difficile, mais elle était contente. Au
moins, sauf si effort, et encore, la plaie ne se rouvrirai pas. Elle
fit part de ses réflexions à Elyo qui pour toutes réponse, poussa
un grognement approbateur. Ce qui déplut d’ailleurs a Bleue.
- Dites donc, Monsieur Spirtyan, un peu de gentillesse de votre part ne serait pas de refus.
Étonné, Elyo plongea
sur elle un regard surpris, qui la fit sourire. Il se leva, et claqua
un baiser sonore sur sa joue, avant de s’éloigner en riant.
- Vous avez raison, Mademoiselle. J’y songerais, un de ces jours.
Bleue, embarrassée,
porta distraitement la main a la joue. Willan tourna sèchement le
dos, faisant comme s’il n’avait rien vu.
(...)
- Où sommes-nous, maintenant?
La carte étalée sur le
sol, Elyo songea un instant que Bleue avait plus de maturité qu’eux.
Il n’aurait jamais songé à prendre la carte si Bleue ne lui avait
pas demandé la permission chez Karly.
Cette dernière posa le
doigt sur un bout de la forêt, vers le nord.
- Nous avons encore un bon bout de chemin à faire. Mais dès que l’on aura traversé la forêt, on arrivera a une grande route, mais inutilisée depuis longtemps. Cette route longe le lac Flanioryminatalionirual, ensuite…
Elle caressa du bout des
doigts la représentation du lac, avant de se stopper.
- On prend le pont, et on arrive devant la Royale, la chaîne montagneuse entourant Reiche Stadt et…
- Pourquoi des montagnes entourent elles la ville ?
Bleue soupira, et posa
son regard hautain sur Elyo.
- De un, ce ne sont pas les montagnes qui entourent la ville, mais la ville qui a été bâtie entre les montagnes. Ensuite, les premiers rois ont choisi cet emplacement pour être surs de pouvoir défendre leur position si jamais ils étaient attaqués. De ce fait ; il est plus facile de protéger une cuvette qu’un plateau ou une plaine.
- Ou même une vallée. Coupa Willan. Tu as entendu cette histoire sur Guillaume le Juste qui avait vu ses troupes décimées lors de l’affrontement entre les Trafalagars et ses armées, parce qu’il avait mal étudié la géographie ? Il avait oublié de considéré la présence d'une forêt à ces abords, une forêt capable de dissimuler plusieurs garnisons de soldats ennemis.
- Bien sur ! Et il a stupidement perdu la moitié de ses conquêtes avec cette erreur. Pfff, dire qu'on le nommait le conquérant, avant. Après cela, il est pourtant resté le Juste. On aurait du le nommer le Sot.
- D'accord, mais cette erreur est moins idiote que celle de Philippe III, en mille six cent, a Lumanor city. Tu sais, quand...
- Hé oh!!! C'est cool, vous êtes super bien cultivés, mais j'aimerais mieux savoir si on est proche de Reiche Stadt, plutôt que d'apprendre comment Philippe III a oublié de fermer sa porte d'entrée avant d'aller aux toilettes ! Marmonna Elyo, boudeur.
- Tu connaissais l'histoire? S'exclama Willan.
- Heiiin?
Willan explosa de rire,
suivi de près par Bleue, tandis qu'Elyo soupirait.
- Bon, plaisanterie a part, reprenons la carte, s'écria Bleue, en constatant qu'ils avaient perdu du temps de marche sur leur rythme habituel.
- Une fois que nous aurons traversé le Lac, ainsi que la Royale, nous devrons nous trouver une maison à louer, ou une auberge. De là, nous commencerons les recherches sur l'Heimer.
- N'empêche... je ne vois pas pourquoi l'Heimer se trouverait là bas.
- Nous aurons certainement une piste d'ici là. Et n'oublies pas Iudhaël. -Si Elyo s'est trompé, il sera forcement là-bas.
- Pas sûr.
Marmonnant, Bleue roula
la carte et la déposa dans son sac de randonnée. Elle en sortit une
bouteille d'eau. Willan l'observa boire, avant de baisser les yeux
vers l'herbe verte de la prairie dans laquelle ils se trouvaient.
Discrètement, il posa un doigt sur un brin émeraude, et activa le
don. Un sifflement imperceptible pour les autres fit résonner ses
tympans, et celles de Solémio. Il sourit, d'une manière malsaine.
Il maîtrisait très bien son Don, désormais. Cela faisait trois
semaines qu'il s’entraînait sans relâche, sans jamais le montrer
aux autres.
Il était indubitablement
le plus puissant.
Avec un sourire, il
déchira en deux le brin desséché, et le jeta a Solémio, qui se
frotta l'oreille droite, gêné. Elyo tourna le regard vers eux, et
marmonna, rieur.
- Il va pleuvoir!
Pour confirmer ses
paroles, un éclair passa devant ses yeux, se fichant dans le sol.
Ils se figèrent tous les quatre, observant l'objet profondément
planté dans le sol.
Une flèche de bois
sombre, empenné de plumes noires.
- Qu'est ce que... commença Bleue.
Elyo bondit sur elle, la
plaquant conte le sol, tandis qu'un trait vint se ficher à l'endroit
ou elle s'était prostrée, quelques secondes auparavant.
- Courez.
Il avait murmuré le mot,
en se relevant lentement. Willan opina, et attrapa la main de Bleue.
Fline disparut en une seconde, laissant place à une hirondelle qui
s'envola instantanément dans les hautes branches accueillantes.
Elyo attrapa les sacs,
les jetant sur ses épaules, et se mit à courir, suivant les traces
de Willan, droit devant.
Qui et pourquoi les
attaquaient t'on? Bonne question, malheureusement, il était
impossible d'obtenir la réponse autrement qu'en se retournant et en
demandant poliment. Bien que très intéressante comme option, ce
n'était pas recommandable, du moins si l'on tenait à la vie. J’opte
pour la fuite, et on verra ensuite, pensa Elyo.
Il bondit en travers du
chemin, se réfugiant dans les fougères. Tapi à même le sol,
haletant, il était toute ouï.
Des murmures, discrets,
lointains, se firent entendre, peu de temps après. Puis, des pas,
une cavalcade, même, fit vibrer le sol contre lequel le jeune métis
s'était aplatit.
La respiration bloquée,
camouflé parmi les hautes fougères, Elyo regarda passer les quinze
hommes habillés de noir. Certains portaient des arcs. D'autres des
épées. Son cœur rata un battement quand Elyo remarqua que trois
d'entre eux portait de l'arsenal lourd. Armes à feu.
Il resta longtemps tapi
contre le sol mousseux, après leur passage, figé dans la même
position. Un sursaut de sa cage thoracique le fit sortir de sa
torpeur. Étonnamment calme, il se releva lentement, étudiant les
alentours. Pourtant, malgré le piaillement joyeux des oiseaux
nocturnes, Elyo restait crispé. Les poings serrés, il s'engagea
dans le sentier foulé par les hommes, silencieux comme jamais.
Après un quart d'heure
de filature à marche lente, il déboucha sur une prairie recouverte
par l'ombre de hauts chênes. Il ne voyait pas les hommes qu'il avait
cherché à suivre, et une étrange angoisse était montée depuis
quelques minutes dans sa cage thoracique, pour comprimer ses poumons.
Leur absence ne présageait rien de bon. Écartant de la main une
branche basse, il balaya la clairière du regard, pour constater son
vide, puis au moment où il allait se retourner, un craquement
sinistre résonna derrière lui, et une haleine chaude vint effleurer
sa gorge.
- Stop, petit.
La corde de l'arc se
tendit derrière lui, lentement. Elyo raidit les épaules, mais
obéit. Rapidement, comme des loups, les quatorze autres hommes
sortirent des ténèbres engendrées par les arbres. Ils
l’encerclaient parfaitement.
- Lève les mains, et pose les calmement sur ton petit crane, poussin.
Lentement, Elyo esquissa
le mouvement, lorgné par les silhouettes menaçantes. Il leva un
doigt, comme un enfant demandant la permission de poser une question.
- Je t'écoute...
L'homme avait une
intonation grave, sourde et lente, à la manière d'un gros fauve.
Un rire accueillit sa
question. Elyo frémit. Pour une des premières fois de sa vie, il
était parfaitement seul, contre un danger de mort humain. Il
déglutit, les yeux perdus dans le vague, non désireux de poser son
attention sur ces hommes le menaçant.
- Je peux savoir pourquoi vous nous avez tirés dessus?
- Tourne-toi un peu vers moi...
Doucement, Elyo fit
pivoter son bassin, les yeux plissés, les mains toujours sur le
sommet de son crane.
- Roooh, le joli garçon. Pendant un instant, j'ai cru que t'étais une fille. Dommage, d'une certaine façon. On se serait amusés.
Dégoûté, Elyo lui jeta
un regard torve. La trentaine, une horrible balafre sur la joue, mais
quelque part séduisant, il inspirait la crainte. La flèche était
encochée, et le bout de son doigt calleux maintenait la pression de
l'arc en entier. Elyo savait que cet homme était un habitué du
meurtre, et qu'il n'hésiterait pas à lâcher la corde.
- Tu ne dis rien? Comment t'appelles-tu?
- Elyo.
Il s'agita, de plus en
plus inquiet. Ou était Willan, Bleue? Fline, sous sa forme
d'hirondelle, était indiscernable, donc pas d'inquiétude à avoir.
Sauf si il décidait de partir à leur recherche.
- Tu sais, nous sommes des chasseurs, et pour nous, discerner les proies est un jeu d'enfants.
Elyo ne répondit pas,
trop occupé à essayer de deviner ou se trouvait Willan.
- Tu veux jouer à cache-cache, petit Elyo? T'as quel âge, mon bonhomme?
- 13 ans. 14 dans une semaine.
Il avait répondu
laconiquement, les yeux toujours baissés. Un rire jaillit de nouveau
d'entre les lèvres de l'homme qui le tenait en joue.
- Dans une semaine? Oh, mais c'est bientôt ton anniversaire! Permets-moi, donc, de t'offrir mon cadeau...
Il laissa sa phrase en
suspens. Avec avidité, il fixa intensément Elyo, toujours immobile,
pendant une minute ou deux.
- Tu ne demande pas ce que c'est, hein? C'est bien, tu es poli.
Il baissa son arc.
Les pas feutrés de
Solémio glissaient en silence sur le tapis de feuilles mortes. Se
faufilant comme une ombre parmi les hautes racines sortant du sol,
Willan gardait les yeux fixés sur les traces au sol. Le moindre
bruit le faisait se stopper. Son bébé fauve balançait nerveusement
la queue, tendu lui aussi.
Bleue, derrière, avait
sorti une lame impressionnante, et Willan avait admiré le réflexe
de la jeune fille consistant à apporter une lame. Mais désormais,
il se demandait si cela serait suffisant pour vaincre une quinzaine
de brigands.
Il se baissa, intimant a
sa compagne de se stopper, et Solémio suivit le mouvement. Sur le
sentier foulé, un « e » majuscule avait été dessiné a
la va-vite. Willan sourit.
- Par là.
Ils se remirent
silencieusement en marche.
(...)
La respiration saccadée,
Elyo était plaqué contre le mur. Il leva le bras. Sa montre lui
indiquait qu'il lui restait trois minutes. Trois petites minutes. Il
s'accroupit sur le sol, inscrivant rapidement un énième « e ».
Il savait pertinemment le risque encouru: les traqueurs pouvaient
facilement retrouver sa piste avec ces indices aussi énormes, mais
Elyo savait qu'il n'avait pas le choix. Il devait permettre à
Willan, Bleue et Fline de le retrouver.
Ils lui avaient laissé
dix minutes pour courir. Une chasse a l'homme dont il était la
proie. Cool.
Il lui fallait retrouver
Willan. Pas beaucoup de chances de s'en sortir, mais avec
l’entraînement de leur maître, ils sauraient, à eux deux, en
mettre au moins la moitié hors combat. Pas question de quitter le
ring sans en mettre au moins un au tapis. Et beaucoup plus, si
possible.
D'une foulée rapide, il
traversa un bras de ruisseau, maudissant l'eau qui éclaboussait son
pantalon, et humidifiait sa piste.
Trouver une solution,
trouver une solution...
- Bordel, murmura t-il.
(...)
L'homme étudia sa montre
en gousset. Les dix minutes qu'il avait sadiquement accordé à sa
jeune proie étaient écoulées, et désormais, il fallait que le jeu
commence totalement. Pour cela, il se tourna vers ses acolytes.
- Go.
Ses hommes se déplièrent,
et silencieux, foncèrent dans les bois, en éventail, selon ses
ordres. Le but était de tuer le lapin. Le premier qui y arrivait
gagnait.
Avec un sourire, il
s'enfonça à son tour, avec sept hommes.
En moins de trois
minutes, il découvrit le premier signe de piste: une branche jeune,
cassée, la sève coulant. Et a une hauteur trop haute pour que ce
soit un animal. Diurne, d'autant plus. Peu de temps après, un homme
lui désigna un creux dans le sol, vers la droite. S'approchant, il
reconnut une empreinte de chaussure. Un sourire se peint sur ses
lèvres.
- Par là. En silence.
Suivant les rares
empreintes de pas, ils arrivèrent rapidement face à un gigantesque
chêne, la piste se stoppant là. Aux racines, deux profondes
empreintes, comme si le gamin s'était adossé là. En se baissant,
il remarqua un petit « e » tracé par terre. Il rit. Bon
sang, ce n’est pas possible d'être aussi bête... songea t-il en
faisant glisser son pouce sur sa lèvre supérieure.
Il contourna l'arbre,
l'étudiant, mais soudain se figea. Il appela un homme.
- Tu vois des marques?
L'homme baissa les yeux,
scrutant le sol, mais secoua la tête.
Furieux, le chef releva
les yeux vers ses hommes, qui le regardaient sans comprendre.
- Il nous a eus, saletés!
Il se mit à courir en
avant, les yeux rivés sur le sol.
Un feulement doux le
stoppa, avant qu'il n'ait atteint le ruisseau. Sur une branche,
prostré dans l'ombre, deux yeux étincelants le fixait. Il se figea,
comparant la vitesse d'une flèche lancée en fonction de ce doux
vent diurne, et connaissant la rapidité extrême des Kalionss.
Surtout que, si jamais, par chance, il réussissait à l'attendre,
il aurait affaire à ... la mort en personne.
Un rire le secoua. Un
rire enfantin. Lentement, un garçon sortit de l'ombre.
- Elyo? Que fais-tu si haut, mon poussin, tu vas te faire mal, ...sale cafard!
Le garçon explosa de
rire, et une fureur l'envahit. Le feu des yeux du Kalionss immergé
dans l'ombre le paniquait, et aucun de ses hommes n'avait d'armes à
feu. C'était l'autre groupe qui les avait.
Lentement, calculant le
tout pour le tout, il glissa la main jusqu'à son carquois fixé dans
le dos. Vide.
- Quoi?!
Il se mit à reculer, de
plus en plus effrayé, tandis que le garçon riait de plus en plus
belle, hilare devant sa panique naissante.
Une fille vint se placer
a ses cotés, dévoilant une chevelure a l'étrange nuance saphir.
Ses yeux azur transpercèrent l'homme, qui furieux, tomba au sol,
s'emmêlant les pinceaux.
- La partie n'est pas gagnée, Elyo. Tu... vas crever. Tout simplement.
Il tourna la tête vers
ses hommes et avec horreur, constata qu'ils gisaient, inconscients,
et leurs arcs brisés. Sans un bruit, ils avaient été mis hors
d'état de nuire.
- Ce n’est pas possible!
- Si.
La voix jaillit de
derrière lui, suivit par le bruit d'une corde d'un arc que l'on
tendait.
- Les mains sur la tête. Et retourne-toi.
L'homme leva les yeux
vers le garçon sur la branche, et ce fut presque avec une surprise
résignée qu'il constata qu'il n'y était plus. Seule la fille aux
cheveux bleus, qui caressait une masse invisible pour lui, mais qu'il
imaginait très bien.
- Retourne-toi. Les mains sur la tête.
Il obéit, et étudia
avec une expression de profond mépris le jeune métis. Pour jouer le
jeu jusqu'au bout, il leva le doigt.
- Je t'écoute.
- T'étais là haut y'a deux secondes. Comment as-tu fait pour te déplacer sans que je ne m'en aperçoive?
Elyo sourit, la flèche
encochée. Les doigts frôlant sa joue.
- Je bouge vite.
Hilare, Willan sortit de l'ombre, quittant la place qu'il avait gardé pendant les cinq dernières minutes.- Wow bon sang! Quel coup de bluff génial!
Elyo sourit, s'approcha de l'arbre, tendant les bras pour réceptionner son frère. Ce dernier refusa, et sauta seul, atterrissant souplement sur le sol, accroupi. Elyo leva les yeux vers Bleue qui fit une moue dubitative.- N'espère même pas que je fasse cela par plaisir.
Elle sauta lestement, fermant les yeux. Les bras d'Elyo se durcirent dès qu'ils effleurèrent son corps, et chancelant, il la rattrapa, avant de la poser sur le sol. Bleue le remercia, rougissante, avant de se tourner vers Willan. Ce dernier eut un grand sourire et se tourna vers Solémio encore plongé dans l'ombre. Il tendit les bras, imitant Elyo, pour rigoler.Il n'avait pas prévu que Solémio imite aussi Bleue. Willan fit rapidement connaissance avec le sol.Elyo s'approcha des arbres, et leva les yeux vers l'hirondelle posée sur une jeune cépée. Fline se transforma, et posa ses mains sur l'écorce. Avec application, il débrida son don, et aussitôt, l'éclair négatif frappa l'arbre, qui s'anima. Aussitôt, les racines noueuses happèrent les huit hommes inconscients, les serrant dans une étreinte tout sauf amicale.Avec un soupir consterné, Elyo baissa les yeux vers ses chaussures détruites. D'une certaine façon, il aurait peut être réussi tout seul, si il n'avait pas croisé Willan et Bleue.Il avait découpé le talon d'Achille de ses chaussures, et les avait enfilés à l'envers, laissant ainsi des empreintes de pas opposées à sa direction. Mais bon... au moins, ils avaient réussi.Elyo s'approcha du chef, et rapidement, brisa le trait qu'il lui avait enfoncé dans l'épaule. Il se réveillerait dans une heure ou deux, au maximum.Puis, le jeune métis se tourna vers les autres.- Donc! -il accentua le mot Je peux savoir ce qu'il nous reste à parcourir, comme chemin?
(...)
Il ouvrit les doigts.
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